Nombre total de pages vues

lundi 23 avril 2012

L'inquiétante montée du FN


Amis lecteurs, voici une  bonne analyse de MEDIAPART sur la montée du FN et la stratégie de sa présidente.

Pour info, je suis inquiet et surpris du score du FN dans mon village vendéen (plus de 18 %), alors qu'il n'y a pas d'insécurité dans ce bourg tranquille. 

La stratégie gagnante de Marine Le Pen

 | PAR MARINE TURCHI

Lire aussi

Elle est partie en campagne bien avant les autres. Un an avant son rival Nicolas Sarkozy. Des réunions militantes aux quatre coins de la France, d'abord pour convaincre ses adhérents, dans la course pour la présidence du Front national qui l'opposait à Bruno Gollnisch, dès septembre 2010. Puis des meetings hebdomadaires, dès son intronisation à la tête du FN, en janvier 2011.
Dimanche, Marine Le Pen a donc logiquement réuni plus de 18 % des voix au premier tour, quand les sondages la créditaient de 15 à 16 %. N'avait-elle pas, il y a quelques jours, annoncé une« surprise » (lire notre article) ? « J'ai été le centre de gravité de cette campagne », se félicitait-elle dans un entretien au Monde, le 12 avril. « J'ai bien fait de la commencer tôt, il y a dix-huit mois. Cela m'a permis de porter toute une série de thèmes qui n'auraient pas été abordés si j'avais démarré ma campagne au dernier moment. Entre Schengen, les problèmes des délocalisations, le produire français, l'euro, la laïcité, le fondamentalisme, le halal, j'ai forcé les autres à prendre position. »
Dans ce même entretien, Marine Le Pen affirmait se « voir à plus de 20 % » et répétait son “objectif”: « arriver au second tour ». Certes, elle ne se qualifie pas pour le second tour, mais elle dépasse le score de son père en 2002 (16,86 % au premier tour). Inaudible pendant plusieurs mois car tiraillée entre parti anti-système et désir de normalisation, elle est revenue ces dernières semaines à ses fondamentaux : l’anti-système, l’islam, l’immigration, la sécurité. Avec deux électorats en ligne de mire : les électeurs de droite déçus de Nicolas Sarkozy et les abstentionnistes. Stratégie gagnante.
En mars 2011, lors d'un déplacement dans le Var (lire notre reportage ici), nous lui demandions si elle n'était pas partie trop tôt en campagne. « Il y a plein de thèmes que je veux aborder : l'école, l'éducation, la recherche, l'écologie. Je tiens quatorze mois sans problème moi !» avait-elle répondu, en affichant une grande sérénité, assise sur le canapé rouge de sa loge. « La politique, c'est l'art de la répétition », expliquait-elle. La présidente du FN venait d'enchaîner deux conférences de presse, une réunion avec les militants, un meeting à deux endroits différents. Elle était la veille à Perpignan (Pyrénées-Orientales) et repartait le lendemain sur l'île de Lampedusa, en Italie. C'est ce rythme que Marine Le Pen a imposé, dès 2010, passant rapidement, courant 2011, à un meeting chaque dimanche et une conférence de presse hebdomadaire, retransmise en live.
Parallèlement, la candidate frontiste a réussi une gigantesque OPA médiatique sur le débat public, OPA que Mediapart a dénoncé dès décembre 2010. Combien de week-ends Marine Le Pen a-t-elle confisqué médiatiquement à ses adversaires ? Exemples : le 10 décembre 2010, avec sa sortie sur les prières dans la rue, le 14 janvier 2011 avec son intronisation au congrès du FN à Tours, le 5 mars 2011, avec la publication du sondage Harris la donnant en tête des intentions de vote du premier tour de la présidentielle.
Et puis il y a eu ce « basculement » dans l'opinion, entre fin 2010 et début 2011. C'est ce qu'a révélé une minutieuse étude (« Le Point de rupture. Enquête sur les ressorts du vote FN dans les milieux populaires » – décryptée ici par Mediapart), réalisée par Jérôme Fourquet (directeur adjoint du département Opinion à l'Ifop) et Alain Mergier (sociologue et dirigeant de l'institut WEI). Cette enquête a mis en évidence la corrélation d'un cocktail explosif : « insécurité économique » et « sentiment d'insécurité physique ». Le « succès » de Marine Le Pen dans ces milieux s’expliquerait donc par son « monopole » sur la réponse à cette« demande populaire » de « protection ».
Ce basculement, Mediapart a eu l'occasion de le constater lors de très nombreux reportages, sur fond de crise économique et sociale. Nous avons pu mesurer à quel point les idées frontistes, relayées en partie par le candidat UMP, avaient infusé, ou même progressé, lorsque nous revenions, plusieurs mois plus tard au même endroit. Lors de notre série sur les classes moyennes et les oubliés (Volet 1volet 2) : ces ouvriers ou employés qui gagnent le Smic ou un peu plus, cette France qui se lève – très – tôt, qui a voté en masse pour Nicolas Sarkozy en 2007, avant de déchanter. En Seine-et-Marne, où la vague frontiste, autrefois cantonnée aux petits villages, gagne La Ferté-sous-Jouarre (lire notre reportage). En Moselle, où les frontistes tractent à la sortie des usines et où « la peur du FN n'existe plus », comme nous le confiait le maire PS de Metz (lire nos reportages en septembre 2011 et en décembre 2011).
Dans le Val-d'Oise rural, où le vote FN est un vote de protection (lire notre reportage). Dans le Sud-Est, où la Droite populaire, collectif droitier de l'UMP, loin d'être une « digue » face au lepénisme, a été une passerelle (lire notre enquête et notre portraitde Thierry Mariani). Dans le Pas-de-Calais, où les affaires du PS et l'implantation de Marine Le Pen ont fait du Front national la deuxième force politique du département (lire nos reportages à Arras en mars 2011 et avril 2012 ainsi que notre dossier “Hénin-Beaumont” dans l'onglet Prolonger).

« Faire exploser l'UMP »

Marine Le Pen dimanche soirMarine Le Pen dimanche soir© Reuters
Dimanche, le Front national est arrivé en tête dans le Gard (25,51 %). Il est deuxième dans le Nord-Pas-de-Calais (25,53 %), où il gagne 180 000 voix par rapport à 2007 (tandis que Nicolas Sarkozy en perd 110 000 et Hollande en gagne 50 000). Les cantonales de mars 2011 avaient mis en lumière cette consolidation du FN (lire nos analyses de ces percées ici et ). Un vote FN devenu “tout-terrain” : qui progresse (Est, Val-d'Oise, Val-de-Marne), s'installe (Nord, Sud-Est), et s'invite aussi hors de ses terres traditionnelles (zones rurales, Ouest, Centre). A l'occasion de nos douze reportages lors de ces élections, nous avions établi le même constat, partout : le FN s'enracine (voir la carte de nos reportages).
Marine Le Pen a capté une grande partie des classes populaires, délaissées par la gauche, et grignote les classes moyennes, mécontentes du quinquennat Sarkozy. Dimanche, à l'Equinoxe, dans le sud de Paris, les proches de la candidate se réjouissaient :« On a explosé la baudruche Mélenchon. » Pendant la campagne, elle n'a eu de cesse, malgré l'opposition du Front de gauche (lire notre article sur la riposte au FN), de se présenter aux côtés des ouvriers et de prétendre que le FN était devenu « le parti des ouvriers » (une supercherie que nous avons démontée dans deux enquêtes ici et ).
Il n'empêche. Le vote FN était un vote de sanction, il tend à devenir un vote d'adhésion. L'une des conséquences de la prétendue « dédiabolisation » affichée par Marine Le Pen. Un habillage de façade, doublé d'une habile stratégie de communication (lire notre enquête). Car derrière, rien n'a changé. Ni les idées (comme Mediapart l'a démontré dans ce décryptage minutieux de son projet), ni l'entourage (lire notre enquête sur les réseaux obscurs de Marine Le Pen), ni la xénophobie de ce parti (comme l'a démontré le livre d'une journaliste infiltrée huit mois).Les réactions frontistes aux attentats d'Oslo, le bal de Vienne (lire notre récit), les déclarations de Jean-Marie Le Pen tout au long de la campagne (de Brasillach à la comparaison sur Nuremberg), tous ces épisodes ont montré combien la normalisation du FN était impossible.
Si Marine Le Pen dépasse les 18 % au premier tour, c'est aussi parce que le siphonnage des voix du FN par l'UMP n'a pas fonctionné, contrairement à 2007, où Jean-Marie Le Pen avait été relégué à 10,14 % des voix. Sa fille récupère les déçus de Nicolas Sarkozy, tout comme ceux qui ont préféré l'original à la copie. La stratégie de droitisation de l'UMP s'est, au premier tour en tout cas, retournée contre le candidat UMP (lire notre onglet Prolonger).« Ça marche une fois, pas deux... », nous expliquait la présidente du FN en mars 2011. « C'est Nicolas Sarkozy qui a changé, pas les électeurs », souriait-elle. A l'époque, elle établissait le constat suivant, en se frottant les mains : « Nicolas Sarkozy ne remontera pas. Sa parole est démonétisée, il suscite un rejet. Il a réussi le tour de force de décevoir tout le monde. Il organise l'injustice sociale, c'est la droite décomplexée... du pognon. »
Dimanche, Florian Philippot, son directeur de campagne, se félicitait lui aussi devant les médias : « Nicolas Sarkozy a voulu parler à la France silencieuse qui ne l’a visiblement pas entendu parce que la seule à avoir parlé à cette France-là, c’est Marine et depuis longtemps. Ce que l’on sait ce soir, c’est que dans les années à venir, Marine Le Pen sera là contrairement à d’autres. »
« Si le second tour oppose Nicolas Sarkozy et François Hollande, je ne donnerai pas de consigne de vote », avait prévenu la présidente du FN.  Un « ni Hollande, ni Sarkozy » qu'elle martèlera à l'occasion du rassemblement de son parti en l'honneur de Jeanne d'Arc, le 1er mai, place des Pyramides à Paris. Selon les cadres du parti, Le Pen souhaite désormais se positionner comme la « chef de l'opposition ».
Mais la présidente du FN rêve surtout de « faire exploser l'UMP ».« L'UMP va se désintégrer. Le FN va désormais incarner la vraie droite », pronostiquait dimanche Wallerand de Saint Just, l'avocat du FN. Cela passe par le “troisième tour” que Marine Le Pen attend : les élections législatives, le 10 juin. Le FN espère être présent au second tour dans au moins 100 circonscriptions. Très implantée à Hénin-Beaumont, où elle a choisi, contre l'avis d'une partie de son équipe, de tenir plusieurs meetings et conférences de presse durant les dernières semaines de la campagne, Marine Le Pen compte bien devenir elle-même députée dans la onzième circonscription du Pas-de-Calais.
La présidente du FN tentera de contraindre l'aile droite de la majorité à s'allier avec elle, sous ses conditions, en misant sur la peur de certains députés UMP de perdre leur siège. Le 18 avril, Louis Aliot, numéro deux du parti, annonçait déjà que le Front national pourrait devenir le « Rassemblement Bleu Marine » en associant des souverainistes et des indépendants. Le lendemain, le souverainiste Paul-Marie Coûteaux, l'un de ses porte-parole, lançait un appel « aux patriotes de l'UMP, aux gaullistes floués du RPR, à tous les souverainistes aujourd'hui dispersés » pour qu'ils rejoignent la candidate frontiste.
Pour Sylvain Crépon, chercheur à l'université Paris-Ouest-Nanterre, spécialiste de l'extrême droite, et auteur d’une Enquête au cœur du nouveau Front national (éd. Nouveau Monde, mars 2012), « si elle change de nom, elle peut tourner la page de Jean-Marie Le Pen et de l’extrême droite et tenter de se positionner comme un parti néo-populiste un peu sur le modèle néerlandais ou suisse » (lire notre entretien). « Un groupe à l'Assemblée, non », dit-il. Mais « Semer la zizanie à l'UMP », oui.

2 commentaires:

  1. Bonjour,
    Pourriez-vous me communiquer une adresse mail ? Je voudrais vous inviter à participer à un débat en ligne sur l'UMP et le FN.
    Merci !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. voici une adresse mail: pierrelouisgeorges@gmail.com

      vous pouvez me joindre à cette adresse.

      Supprimer