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mardi 10 avril 2012

Après le 6 mai 2012, le chantier sera immense pour les socialistes.

Amis lecteurs,
Voici un article excellent de Mediapart sur les difficultés qui attendront François HOLLANDE au niveau européen, si lest élu le 6 mai prochain.


François Hollande : comment éviter le piège Zapatero ?


 | PAR LUDOVIC LAMANT

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Bruxelles, de notre envoyé spécial
Des élus socialistes de tous pays se massent dans l'hémicycle, impatients de recevoir la bonne parole. Au Parlement européen le 28 mars, en quête de repères et de certitudes, ils sont venus écouter les conseils d'un “vieux sage” : Jacques Delors s'exprimait sur la crise et traçait des pistes pour sortir la social-démocratie de sa torpeur. Le pacte budgétaire de Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ? «Une usine à gaz.» Le «directoire Merkozy», qui domine le Conseil européen depuis deux ans ? «Si l'on continue comme cela, on tue l'Europe.» L'avenir de l'Union ? «L'Europe a le choix entre la survie et le déclin. C'est aussi simple que cela. (...) Il faut donc réfléchir à un nouveau modèle de développement.»
Jacques Delors le 28 mars.Jacques Delors le 28 mars.© European Union.
Au-delà de l'intervention vivifiante de l'ancien président de la Commission, les socialistes ont débattu de leur stratégie pour réussir une séquence “de rêve” : faire que la possible élection de François Hollande, en mai, enclenche une dynamique, aide au basculement d'autres gouvernements à gauche, jusqu'à terminer en 2014, en apothéose, par une victoire aux européennes, qui offrirait aux socialistes le poste de président de la commission. On en est encore très loin.
«L'Union économique et monétaire est prise dans un étau (...)entre d'une part le feu qui couve sur les marchés financiers, et qui est l'argument essentiel de ceux qui veulent nous imposer le pacte budgétaire (...) et d'autre part le risque d'une stagnation, qui confirmerait (...) l'évolution de l'Europe vers un déclin», a affirmé, prudent, Jacques Delors. «Je n'ai pas de remède miracle. Et je considère que l'appel détaillé des responsables socialistes a bien compris cet étau.»
Ce jour-là, le Français venait apporter son soutien à un appel «pour une alternative socialiste en Europe». Ce texte (à lire ici) marque, selon lui, «le début d'une offensive de la social-démocratie au sens large». «Il y a deux ans de travail», a-t-il prévenu. 
«L'histoire s'est accélérée ces dernières années, et les socialistes européens sont restés en retrait», rappelle, en ouverture, l'appel en question, référence à la domination de la droite en Europe (23 gouvernements sur 27). A Bruxelles, les sociaux-démocrates s'activent désormais, pour convaincre que le capitalisme financier des années 2000 n'a pas tué leur projet “réformiste”, et que leurs propositions sont toujours aussi pertinentes. Et tous ont les yeux rivés sur le scrutin français.
Au fond, chacun se pose la même question : après les fiascos Papandréou en Grèce, Socrates au Portugal et Zapatero en Espagne, la social-démocratie, laissée K.O. par la crise, a-t-elle encore quelque chose à dire ? Agirait-elle différemment de la droite, si elle était majoritaire au Conseil européen, et si les marchés financiers exercent à nouveau leur pression ? A-t-elle les armes pour à nouveau gouverner en Europe, comme ce fut le cas à la fin des années 1990 ?

La social-démocratie, un modèle dépassé ?

Nicolas Sarkozy ne s'y est pas trompé, qui ne cesse de renvoyer les promesses de François Hollande au difficile bilan de l'ex-premier ministre espagnol. En défense de José Luis Zapatero, la socialiste Pervenche Berès nous avait répondu, en octobre 2011 : «Le socialisme dans un seul pays n'existe pas.» Manière de dire qu'un Zapatero esseulé à Bruxelles, face à une écrasante majorité d'exécutifs conservateurs, n'avait pas pu dégager de marges de manœuvre suffisantes pour imposer une autre politique que l'austérité.
«Zapatero n'a pas eu le choix. Angela Merkel ne lui a pas laissé le choix de sa politique», renchérit Hannes Swoboda, eurodéputé autrichien, à la tête du groupe socialiste au Parlement. Pour Juan Lopez Aguilar, qui fut ministre de la justice en Espagne de 2004 à 2007, «Socrates, Papandréou et Zapatero ont été confrontés à une hégémonie conservatrice écrasante, au Conseil européen, mais aussi à un défaut de leadership de la Commission européenne, totalement subordonnée à la logique inter-gouvernementale et au directoire Merkel/Sarkozy».
D'où l'importance d'une dynamique, qui accompagnerait l'élection de François Hollande, jusqu'à 2014 et la formation d'une nouvelle Commission européenne : «Le 6 mai est attendu par les Français, mais il est aussi attendu par les Européens», avait assuré Laurette Onkelinx, une ministre socialiste belge, le 26 mars, lors d'un meeting de soutien, à Bruxelles, au PS. «La France d'abord, l'Italie ensuite (en 2013, ndlr), et l'Allemagne enfin (en 2014, ndlr)», avait-elle alors pronostiqué (vidéo ci-dessous).


«Elio Di Rupo se sent très seul au Conseil, il m'en parle de temps en temps, il souffre de cette solitude...», avait de son côté ironisé Paul Magnette, un autre socialiste belge, lui aussi membre du gouvernement Di Rupo. La réunion de soutiendes dirigeants sociaux-démocrates à François Hollande, en mars à Paris (lire notre compte-rendu), et la publication de cet Appel pour une “alternative socialiste”, laissent penser qu'un élan, même fragile, existe.
L'ébauche d'une politique commune en Europe, encore très vague, serait même la condition de la survie de cette social-démocratie. C'est en tout cas la thèse d'un essai d'Henri Weber publié l'an dernier, La Nouvelle Frontière (Seuil, 2011), dans lequel l'eurodéputé socialiste regrette la «stratégie étroitement nationale» des partis socialistes lorsqu'ils sont au pouvoir en Europe.
Weber reprend à son compte une déclaration du patron du SPD allemand, Sigmar Gabriel, faite en 2010 : «Les solutions à tous les grands problèmes auxquels nous sommes confrontés sont internationales, les réponses que nous mettons en œuvre restent, pour l'essentiel, nationales.» Cette inadéquation serait même, d'après lui, le «talon d'Achille de la gauche européenne».
Et Weber de plaider pour une «refondation» du projet social-démocrate, qui passerait par l'Europe. Le socialiste français tente ici de répondre aux attaques de Jean-Luc Mélenchon, le candidat du Front de gauche, qui s'était, en 2007, livré à un réquisitoire contre les errements de la social-démocratie, totalement inopérante, selon lui, en dehors du cadre de l'Etat-nation (En quête de gauche, Balland, 2007).

Le spectre de la désunion

Les socialistes y arriveront-ils ? Au-delà des réunions de campagne qui mettent en scène l'unité retrouvée, ont-ils mis de côté leurs divergences ? «Nous devons éviter le risque qui voudrait que nous, socialistes, soyons tous d'accord quand on est dans l'opposition, mais que ce ne soit plus le cas une fois que nous accédons au gouvernement», met en garde Harlem Désir, numéro deux du PS.
«C'est vrai que cela fait longtemps que les partis de centre-gauche, en Europe, n'ont pas eu autant envie de retourner au pouvoir», observe Olaf Cramme, à la tête du Policy Network, un think tank britannique consacré à la gauche européenne. «Mais ils ont fait jusqu'à présent peu de progrès pour bâtir ensemble un programme cohérent et crédible de gouvernement
«Regardez le PS, le SPD ou encore le PSOE, à la fin de l'ère Zapatero. Ils ont serré les rangs, de manière assez efficace je dois dire, pour apparaître unis. Mais ont-ils formulé une seule idée qui leur permette, une fois au gouvernement, de répondre différemment à la crise, si les choses se compliquent à nouveau ?» s'interroge Olaf Cramme. Dans une récente tribune au Guardian, il exhorte la gauche européenne à forger de nouvelles réponses face à la crise, faute de quoi «elle gâchera sa chance».
«Au niveau européen, les sociaux-démocrates pèchent par leur désunion», rappelait fin 2011 Gerassimos Moschonas, professeur de science politique à l'université Panteion d'Athènes. «Les situations sont très différentes d'un pays à l'autre, et il n'existe pas de stratégie à l'échelle européenne. Il n'y a pas assez de concertation. Pendant la crise de la dette, la social-démocratie n'a pas assumé son rôle d'alternative.» Une erreur qu'elle essaierait donc de corriger aujourd'hui.
A regarder le détail des propositions, le chantier est énorme. La taxe sur les transactions financières et les euro-obligations (c'est-à-dire émettre de la dette commune à l'ensemble de la zone euro) font consensus. Idem pour la relance des project bonds, ces émissions d'obligations, depuis Bruxelles, censées financer des investissements précis, pour relancer l'économie.
Mais pour le reste, le terrain est miné. La mesure phare du candidat Hollande sur l'Europe, la “renégociation” du pacte budgétaire, reste non seulement très floue (lire notre enquête), mais elle convainc très peu de socialistes à Bruxelles, pressés de passer à autre chose. Idem pour l'abstention du PS en février, au moment de la ratification du Mécanisme européen de stabilité (MES), ce “FMI à l'européenne”, qui n'a pas été comprise dans la capitale belge (lire notre article).
«Il faut prendre en compte le contexte national...», évacue Hannes Swoboda, le patron des socialistes au Parlement, quand on l'interroge sur ces divergences entre les Français et les autres. «Nous ne devrions pas débattre, au sein de la famille socialiste, de tel ou tel vote ici ou là, mais plutôt nous assurer que nous suivons tous le même cap, par-delà les spécificités locales», poursuit Swoboda, soucieux de ne surtout pas faire de vagues avant le premier tour de l'élection française.
Autre proposition de taille, reprise dans l'“Appel pour une alternative socialiste”, mais qui pourrait diviser durablement les partis sociaux-démocrates : faire de la Banque centrale européenne (BCE) un prêteur «en dernier ressort» – ce qui permettrait, à court terme, d'alléger la pression des marchés sur certains des Etats les plus exposés. Beaucoup d'Allemands tiquent, tout comme Jacques Delors, qui se dit lui aussi opposé à la modification du mandat de la BCE.
Sans parler du “juste-échange” cher aux socialistes français, censé marquer un tournant protectionniste... Les deux années d'ici aux élections européennes ne seront pas de trop pour tenter de mettre tout le monde d'accord.

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