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lundi 25 juillet 2011

ONF: NE PAS DÉGRADER CE QUE CERTAINS, DONT COLBERT, ONT MIS DES SIÈCLES À STRUCTURER

Amis lecteurs,
La forêt française est un trésor inestimable qu'il faut préserver.
Voici un dossier instructif de Mediapart sur l'ONF.


ONF : ce service public qu'on abat

 | PAR NOEMIE ROUSSEAU
Tout est là. L'absurdité de la gestion de l'Office national des forêts (ONF), le crève-cœur du forestier Claude Ammerich, un énorme tas de bois. Vingt hectares de la forêt de L'Isle-Adam (Val-d'Oise) ont été rasés il y a deux ans. Depuis, le bois coupé attend, en proie aux intempéries. Les troncs se sont tous fendus. Aujourd'hui, les arbres centenaires sont tout juste bon à être brûlés. Les lots ont déjà été faits. A la place de la forêt, un sol nu, un paysage défiguré.Le forestier Claude Ammerich est scandalisé par ces 20 hectares de bois qu'on a coupé pour le laisser pourrir.Le forestier Claude Ammerich est scandalisé par ces 20 hectares de bois qu'on a coupé pour le laisser pourrir.© Noémie Rousseau 
« On s'est fait insulter par la population. Les gens nous ont dit : c'est dégueulasse ce que vous faites, c'est du travail de sauvage, du saccage », se souvient Claude Ammerich, amer. « On va replanter, mais est-ce qu'on aura l'argent ? » Il en doute. Les pousses d'arbres qui se seraient naturellement développées sont en train de mourir étouffées sous les herbes hautes que personne ne taille. Ecœurement, désolation, incompréhension. Il parcourt le terrain à l'abandon du regard, et s'étrangle : « C'est du gâchis. »
La forêt, pour Nicolas Sarkozy, est « un atout considérablement sous-exploité ». Il faut « donner du bois à la filière bois », expliquait le chef de l'Etat dans son discours sur la filière en 2009 à Urmatt. Ainsi a-t-il été prévu d'augmenter la production de 40%, soit 20 millions de mètre cube de bois supplémentaires d'ici 2020. « Inatteignable », selon les syndicats.
D'autant plus que si les objectifs sont revus à la hausse, les effectifs, eux, sont revus à la baisse. En effet, les fonctionnaires de l'ONF n'échappent pas à la révision générale des politiques publiques (RGPP) et au non-renouvellement d'un fonctionnaire sur deux. En 2002, 12.000 personnes travaillaient à l'ONF. Aujourd'hui, elles ne sont plus que 9.500.
Et pour concilier l'inconciliable, produire plus avec toujours moins, l'ONF s'est appuyé sur de nouvelles méthodes de management. Elles accompagnent une grande réforme de l'organisation depuis 2001. Résultat ? Les salariés souffrent, on dénombre à l'ONF vingt-quatre suicides depuis 2005. Et les impératifs de rendement, combinés à la politique de dégraissage, n'ont pas suffi à redresser la barre: les performances de l'ONF stagnent, voire régressent. En 2010, l'établissement enregistre un déficit de 14,7 millions, 2,5 millions de plus que l'année précédente.
Questionné sur l'efficacité des réformes successives visant à « structurer » et « professionnaliser » l'exploitation forestière, le directeur général, Pascal Viné, répond : « La filière est fragile, moins structurée par rapport à d'autres pays d'Europe. Le bois est le deuxième poste déficitaire en France après l'énergie (...). Les Français veulent des maisons en bois, mais 98% est importé, c'est un marché qui nous échappe. » Les nouvelles méthodes n'ont pas réussi à inverser la tendance en dix ans.
Pourtant, Pascal Viné persiste et signe avec le nouveau contrat Etat-ONF 2012-2016 qui prévoit 700 nouvelles suppressions de poste. Les syndicats ont voulu freiner la machine, réclamant un moratoire pour revenir sur le management par objectifs. Mais le contrat est passé coûte que coûte.
Du bois inexploitable et un paysage figuré : les forestiers se sont mis la population à dos.Du bois inexploitable et un paysage figuré : les forestiers se sont mis la population à dos.© Noémie Rousseau
Et Pascal Viné de se justifier : « La réduction d'effectifs est le seul point de friction du contrat et c'est une mesure restrictive qui nous échappe. » Mis à part ces petites choses qui « échappent » à la direction (le marché du bois et l'évolution de la masse salariale), « le contrat consolide l'ONF et réaffirme la gestion durable des forêts », assure-t-il. « De la poudre aux yeux ! » s'insurge le syndicaliste Philippe Berger, secrétaire général du SNUPFEN-Solidaires.« Nous sommes d'accord sur les aspects environnementaux, les missions de police de l'environnement et de surveillance, mais nous n'aurons de toute façon pas assez de moyens pour les assurer. »
La veille de l'adoption du nouveau contrat, un forestier de 59 ans, père de trois enfants, se pendait dans sa maison forestière de l'Allier, le 24e en six ans. Dans le Sud-Ouest, où un forestier s'est donné la mort une semaine auparavant, on est « dépassé par les commissions d'enquête », mises en place après chaque suicide. L'une d'elles vient d'être achevée, deux sont encore en cours. Pour faire face, il a fallu faire appel à un cabinet privé.
Des tragédies qui seraient simplement les effets de la « solitude » inhérente au travail de forestier, à en croire les propos de la ministre de l'environnement Nathalie Kosciusko-Morizet, réagissant à la vague de suicides : « Dix-huit sont agents patrimoniaux (le nouveau nom de gardes forestiers, ndlr), au plus proche du terrain, dans la forêt, dans des conditions particulières, qui sont proches d'une forme de solitude. » Mais ce n'est pas la solitude qui tue, elle faisait partie des règles du jeu dès le départ. « Dans les bois, on est seul face à soi-même mais on aime ça. Le problème c'est quand on ne se reconnaît plus dans son travail, c'est là que le mal-être s'installe », témoigne Claude Ammerich.
Le suicide, le forestier y a déjà pensé. Il a dû appeler un collègue pour qu'il mette son arme de service en lieu sûr. Mais le délégué syndical est trop révolté pour abandonner la partie. Il s'inquiète davantage pour des collègues plus fragiles qui voient le «travail de toute une vie» massacré par les impératifs de production. Un nouveau contrat vient d'être signé avec Roissy. Les forêts du Val-d'Oise devront alimenter la chaufferie de l'aéroport. « On a parfois l'impression qu'il faut protéger la forêt contre l'ONF », lance Claude Ammerich.








« Ce n'est plus le bon sens qui prévaut, c'est le fric »
Quand Claude Ammerich parle des 800 hectares dont il s'occupe à L'Isle-Adam, il dit « ma forêt » et aujourd'hui il a le sentiment qu'on la lui « enlève» : « Ils ne veulent plus de ce lien affectif. » A l'ONF, plutôt que de faire dans le sentiment, on a préféré rationaliser le travail. Les forêts ont été redécoupées, la répartition a été revue en fonction des « unités territoriales ». Progressivement, elles fusionnent, cinquante ont disparu en dix ans selon les syndicats. Et ce sont les déplacements pour les salariés qui s'allongent, la charge de travail qui s'alourdit. Simultanément, de huit fonctionnaires, ils sont passés à six forestiers dans le Val-d'Oise.
Quand Claude Ammerich parle de la forêt de l'Isle-Adam, il dit "ma forêt".Quand Claude Ammerich parle de la forêt de l'Isle-Adam, il dit "ma forêt".
Il arrête sa voiture devant une parcelle légèrement en pente. On entend le bruit lointain des débroussailleuses. Le forestier veut montrer son métier, son vrai métier : la sylviculture, « le travail de la lumière ». Il faut éclaircir çà et là pour privilégier tel arbre plutôt qu'un autre, choisir les espèces à planter pour construire un paysage agréable à l'œil du promeneur. Couper, mais intelligemment, régénérer, penser sur le long terme.
Les engins se taisent. Cinq hommes s'approchent sous la pluie fine. Quelques-uns roulent une cigarette. « J'ai un nœud dans la gorge rien que d'en parler. » Jean-Claude Collin, le grand gaillard mal rasé de 55 ans, semble sonné. « Je suis cassé, usé par le travail. » Ses collègues se sont accroupis entre les jeunes arbres, fraîchement plantés. Ils essaient de soulager leur dos, abîmé par les machines qu'ils portent à bout de bras six heures par jour. Ce sont les ouvriers de droit privé de l'ONF, ils appartiennent à l'Agence travaux.
L'ONF a été divisé en trois pôles : travaux, technique et administratif. « Avant on était collègue, aujourd'hui on n'est plus dans la même boîte », résume Claude Ammerich. Le garde forestier n'existe plus, il a été remplacé par l'« agent patrimonial ». La rationalisation du travail est à l'œuvre, avec ses définitions de fonctions toujours plus abstraites et sophistiquées. A mesure que la forme se complexifie, le travail se vide de son sens. « Avant il y avait un relationnel dans le travail et du jour au lendemain on a reçu des courriers : il ne faut plus se parler, ça interrompt le rendement… On crée des cases et tout ce qui dépasse n'existe pas », explique l'ouvrier Yves Fraymann. Un autre parle d'un « fossé » entre les employés de l'établissement. Désormais, alors qu'ils se croisent tous les jours sur le terrain, tout doit passer par la hiérarchie. 
Les ouvriers de droit privé se disent "usés physiquement et moralement".Les ouvriers de droit privé se disent "usés physiquement et moralement".© Noémie Rousseau
«Maintenant ce n'est plus le bon sens qui prévaut, c'est le fric», lâche Yves Frymann. Et d'expliquer : «L'ONF préfère faire intervenir des entreprises privées qui travaillent à la tâche. Nous, nous sommes deux fois plus chers. Donc on récupère que des gros chantiers dont les boîtes privées ne veulent pas parce que c'est trop dur, parce qu’elles ne veulent pas casser leurs hommes et le matériel.»
Les ouvriers font de moins en moins le travail pour lequel ils ont été formés. Au lieu de l'élagage et de l'abattage, dernièrement ils ont surtout ramassé des ordures, fauché un marais de 6 hectares dont ils ont sorti à la main toutes les branches. La grande majorité des chantiers qui leur sont confiés ne concernent plus la forêt domaniale. «Ça rapporte plus. Quand on travaille pour des particuliers, des communes, des entreprises, on facture 30% de plus...» La forêt publique passe après.

« On nous vendra pour 1 euro symbolique à Veolia »

Yves Freymann, ouvrier et délégué du personnel, milite pour que leur métier soit enfin reconnu pénible et dangereux.Yves Freymann, ouvrier et délégué du personnel, milite pour que leur métier soit enfin reconnu pénible et dangereux.© Noémie RousseauCe soir, ils n'auront pas fini le chantier sur lequel ils travaillent, comme souvent. Alors ils essuieront des « réflexions », on les soupçonnera d'avoir « fait trop de pauses », d'avoir « écourté la journée ». Et puis, ils ne percevront pas la totalité de leur prime. Ce n'est jamais arrivé d'ailleurs. Sur 1500 euros, le plus âgé d'entre eux, Jean-Claude Collin, a touché 130 euros de prime l'année dernière, les autres entre 350 et 400 euros. Leurs rendements sont tellement bas que des collègues de Normandie se sont cotisés pour leur offrir de vraies primes.
 Les sanctions, le forestier Claude Ammerich y a eu droit aussi. Il est délégué syndical et se dit « puni »« pris pour cible »« sanctionné en raison de son engagement syndical ». Il a gardé toutes ses notations. Alors qu'il est jugé « bon » presque partout en 2001, en 2003 la quasi-totalité de ses compétences sont « à développer ». Revirement l'année suivante. Une constante : le manque de rigueur administrative. C'est qu'il boycotte la « comptabilité analytique » qui consiste à décrire sa journée heure par heure sur le papier. Parce que le forestier est de moins en moins sur le terrain. Sa note, quand elle ne régresse pas, progresse à peine. Dur quand on vit dans sa forêt, qu'on est passionné. Dur à la fin du mois aussi.
Chaque année, Claude Ammerich a contesté sa notation. Des lettres restées sont réponse.Chaque année, Claude Ammerich a contesté sa notation. Des lettres restées sont réponse.© Noémie RousseauAujourd'hui, à 60 ans, il touche 1400 euros par mois et dispose d'un logement de fonction ainsi que d'une prime de performances. Prime qui souffre d'une « modulation négative » (–5%) depuis 2003, en raison de sa « manière de servir (qui) comporte encore de nombreuses lacunes » (selon les termes de la lettre de l'Agence forestière, que Mediapart a pu consulter). En trente ans de service, le salaire de l'ouvrier Jean-Claude Collin a augmenté de 120 euros.« Quand je suis revenu après un accident du travail, demandant une adaptation de poste, on m'a dit : si tu ne peux plus faire le boulot, faut arrêter. Avant on disait ouvrier cassé, ouvrier reclassé. Maintenant ils nous enfoncent avant de nous licencier », se désole-t-il.
Ils n'ont pas eu de visite médicale depuis 2008, n'ont jamais eu les radios régulières des poumons qu'ils réclament en raison des émanations de carburant et des particules de sciure, cancérigènes, qu'ils inhalent toute la journée. Tous souffrent de la gorge. Leur métier n'est même pas reconnu comme pénible et dangereux, ils ne bénéficient donc pas de la retraite à 55 ans. «Physiquement et moralement, on le ressent... on est usés. » Et inquiets. On leur répète que « les caisses sont vides » mais ils voient arriver de nouveaux téléphones, des bureaux flambant neufs, des voitures, des outils... Un mauvais présage, selon eux : « Quand on veut vendre, on vire les vieux et on achète du nouveau matériel. On nous vendra pour 1 euro symbolique à Veolia. »
Les ouvriers et agents patrimoniaux n'ont rien à envier au personnel des bureaux. A l'ONF, « les secrétaires pleurent tous les jours, les gens prennent des calmants, sont sous antidépresseurs », explique une salariée du troisième pôle de l'ONF : l'administratif. 90% du personnel y est féminin, mais l'encadrement est presque exclusivement masculin. La CGT-Forêt a lancé une enquête sur la discrimination des femmes à l'ONF.
La conclusion est sans appel : les femmes se sentent dévalorisées, le manque de reconnaissance est dévastateur. « Il y a une scission entre technique et administratif, nous avons toujours été considérées comme du personnel de soutien pour les techniciens, les hommes. Eux prennent conscience qu'on ne sert pas à rien, car avec la baisse des effectifs on leur demande de plus en plus d'accomplir nos tâches.»
Elle parle d'un « trop-plein » de stress, de frustrations. « Les managers sont d'anciens ingénieurs des Ponts et Forêts, promus sans aucune formation en ressources humaines. Récemment, la majorité a refusé d'assister à une formation sur les risques psychosociaux, considérant que c'était une perte de temps. » La jeune femme raconte : les mails incessants, le harcèlement, la peur, le travail qu'on jette à la figure en vous le rendant quand le supérieur ne se l'approprie pas en remplaçant le nom de l'auteur par le sien. « Il n'y a pas une politique de casse des individus instituée à l'ONF mais un laisser-faire et c'est pire. L'ONF est malade, malade d'incompétence, malade d'un système qui est à l'opposé de ce qu'il faut faire. »  
Le directeur général, Pascal Viné, se dit « bouleversé par le décès de collègues » et « préoccupé par la perte de repères » qui frappe les agents de l'ONF : « La réforme a laissé des traces et dix ans après, elle n'est toujours pas cicatrisée. » Pour autant, il n'en conteste pas le bien-fondé et la nécessité. Un audit socio-organisationnel a tout de même été lancé. Le nombre d'assistantes sociales va doubler, un numéro vert a été mis en place. Le directeur général s'est engagé auprès du ministre de l'agriculture, Bruno Le Maire, à proposer fin août un plan de prévention des suicides en lien avec celui qui sera lancé pour les paysans. « Il y a une prise de conscience, c'est un premier pas mais ce sont toujours les mêmes politiques à l'œuvre », soupire le syndicaliste Philippe Berger.
Et Pascal Viné de marteler : « La gestion des ressources humaines est une question qu'il faut remettre au premier plan à l'ONF. »Pourtant, sur les 55 pages du contrat, deux y sont consacrées.

    1 commentaire:

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