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lundi 16 janvier 2012

La stratégie ou la tactique de F HOLLANDE

La stratégie ou la tactique de F HOLLANDE pour sa campagne électorale sera t-elle couronnée de succès?
L'article de Médiapart du 14 janvier de Patrick ALLIES donne un bon éclairage de la démarche du candidat socialiste.
Bonne lecture les amis.

François Hollande et sa drôle de campagne

 | PAR STÉPHANE ALLIÈS

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François Hollande en campagne présidentielle, ou l’amorce tranquille. A 100 jours du premier tour de la présidentielle, le candidat socialiste n’en finit plus de dérouter observateurs comme concurrents. En lice depuis plus d’un an, le député et président de Corrèze réussit le tour de force d’imposer son faux rythme au débat politique, maniant en virtuose l’artistique du flou.

Dans une posture très présidentialiste, il enchaîne les déplacements sans la moindre esquisse de proposition, à la rencontre des Français et entouré de journalistes. Son programme, qu’il a rebaptisé « plateforme présidentielle » lors de l’inauguration de son QG de campagne dans la très chic avenue Ségur du VIIe arrondissement parisien, il ne le fera connaître que « fin janvier ». Et, comme il le dit ce vendredi 13 à 20 Minutes« il faut toujours attendre que j’aie arbitré. A la fin du mois, l’ensemble du projet sera connu. D’ici là : seule ma parole compte ». Dans le même entretien, il confie aussi :« La crédibilité est de mon côté. Je remarque avec attention que, même si les Français doutent des politiques, ils me font davantage confiance qu’au Président pour diminuer le chômage. Et le report des voix semble encore en ma faveur. L’impopularité de Sarkozy est profonde. »
Voilà bien la stratégie, totalement assumée, de Hollande. Façon Mariano Rajoy, vainqueur des dernières législatives espagnoles, il attend que le succès l’auréole, en prenant bien soin de ne pas laisser la moindre prise à ses adversaires en risquant d’imposer trop d'idées dans le débat, encore moins un projet de société. L'alternance, pas l'alternative.

Mic-mac technocratique

Cet éloge du « statu quo mais en mieux » a de quoi dérouter, tant elle signifie la défaite de la conviction politique. Son entourage pléthorique (plus de 160 membres dans son équipe de campagne !) multiplie les communiqués de riposte aux déclarations de l’UMP et/ou du gouvernement, et s’est converti à la pratique des éléments de langage, transformant pour l’heure le moment privilégié d’argumentation politique que devrait constituer la présidentielle en sombre concours de formules pathétiques (voir cette vidéo éclairante). Tout se passe pour l’instant comme si une complicité tacite et tactique animait les deux camps, pour que le débat ne se passe jamais, chacun étant persuadé de pouvoir battre l’autre dans la dernière ligne droite, chacun étant convaincu que, hormis eux, c’est le néant.

Pour l’instant, et depuis un an et son entrée en campagne primaire, François Hollande martèle l’idée force qu’il serait moins pire que Sarkozy, et tourne en boucle sur trois propositions (création de postes dans l’éducation nationale, contrat de génération, réforme fiscale). Au gré des contextes et des conjonctures, il les module et les amoindrit. Peu à peu, il précise certains points du projet socialiste, affirmant sa volonté d’une banque publique d’investissement ou de mettre en œuvre l’indépendance du parquet. D’autres tergiversations n’en finissent plus de dérouter, comme la position du candidat sur la suppression du quotient familial : une mesure de gauche transformée par la grâce de ceux qui l’ont fait fuiter en mic-mac technocratique, avant d’être amoindrie dans sa portée par le candidat lui-même.
Au moins François Hollande peut-il compter sur un parti socialiste discipliné. « Avec la rentrée, c’est le grand trimestre de la langue de bois qui a commencé », sourit une dirigeante du PS. Conscient de l’influence primordiale d’une victoire à la présidentielle sur leurs chances de succès aux législatives, les cadres socialistes sont unis derrière leur champion. Martine Aubry est même allée jusqu’à le comparer à Vaclav Havel lors de ses vœux. Ceux qui ont soutenu la première secrétaire lors de la primaire affichent moins d’enthousiasme, mais ont le mérite de ne rien dire, sans parvenir toutefois à totalement masquer leur scepticisme.

Pas de concurrence ?

Comme les éléphants socialistes, Hollande pense pouvoir embarquer derrière lui, de gré ou de force, tout l’électorat de gauche, trop impatient d’en finir avec Sarkozy. Il est un Jospin qui n’aurait pas à assumer de passif, une Royal qui ne prendrait pas de risques contre-productifs. Les deux autres principaux candidats à gauche, Eva Joly et Jean-Luc Mélenchon, ont beau incarner des positionnements originaux et radicaux à leur manière, ils peinent à ébranler la machine à vote utile Hollande. Jusqu’ici, cette stratégie semble lui donner raison.
D’évidence, la dynamique écologiste est aujourd’hui en berne, payant les conséquences d’un accord programmatique avec le PS depuis foulé aux pieds par Hollande (qui ne parle désormais que de la fermeture d’une ou deux centrales nucléaires), et d’un accord électoral incertain en raison des dissidences qui apparaissent localement, parfois même avec l’aval de Solférino (comme en Seine-et-Marne). Si elle est officiellement soutenue par son parti, Eva Joly est souvent contredite par ses dirigeants (comme sur sa proposition de désistement mutuel avec le MoDem, ou de jours fériés juif et musulman), tandis que Daniel Cohn-Bendit laisse entendre qu’il pourrait voter pour Hollande !

En revanche, Mélenchon n’a pas encore déposé les armes, et pense encore que son pouvoir de conviction lui permettra de perturber le jeu déjà joué tel que l’imaginent les deux favoris. Fort de son excellente prestation sur France-2 jeudi soir, où il tempêta de toute sa verve devant 3,3 millions de téléspectateurs (autant que Marine Le Pen), le héraut du Front de gauche compte s’appuyer sur la crise financière pour s’imposer dans le débat. Un débat qu’aucun socialiste ne souhaite avoir avec lui, préférant le laisser dans un isolement de plus en plus difficile à justifier, quand celui-ci brandit le drapeau du socialisme historique et prône un retour à la gauche d’avant le tournant de la rigueur. Reste à savoir si pour Mélenchon, comme il l’espère tant, « l’heure des caractères » et de la « révolution citoyenne »est venue…

Quant à Bayrou, à l’inverse, son espace à gauche est réduit par rapport à 2007, face à un socialiste lui contestant son espace au centre, à la fois responsable et gestionnaire. Mais sa capacité à incarner une alternative raisonnable au bipartisme dominant chez les tenants de la Ve République, comme sa capacité à représenter une valeur refuge des déçus de Sarkozy, le laisse tout autant en bonne place dans la campagne.

La confiscation par Hollande et Sarkozy du débat politique, au profit d’un climat où les convictions compteraient moins que les tempéraments, ne pourrait faire en définitive qu’une heureuse : Marine Le Pen. Mais même sa qualité d’outsider fait aussi les affaires de Hollande. En se reposant sur l’épouvantail du 21 avril 2002, il entend aussi valider sa stratégie pour le 22 avril 2012.

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