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samedi 21 janvier 2012

Des nouvelles de l'hippodrome de Compiègne

Amis lecteurs,
Vous trouverez ci-dessous un article instructif, publié par le site MEDIAPART, à propos de la vente de l'hippodrome de Compiègne.
Bonne lecture.


 Woerth a bien bradé l’hippodrome de Compiègne

 | PAR MICHEL DELÉAN

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Les terrains forestiers et l’hippodrome de Compiègne cédés par Eric Woerth en mars 2010 ont bel et bien été bradés. Le collège de trois experts désigné début 2011 pour expertiser la valeur de ces biens a remis son rapport à la commission d’instruction de la Cour de justice de la République (CJR) voici quelques jours.
Or, selon des informations obtenues par Mediapart, la conclusion de ces experts est formelle : les 57 hectares de terrains, comprenant des forêts, un golf huppé et un hippodrome, le tout à proximité du château de Compiègne, valaient entre 8 millions et 10 millions d'euros, soit plus du triple du prix auquel le ministre Eric Woerth les a cédés à la Société des courses de Compiègne (2,5 millions). Les experts critiquent également la cession de gré à gré des terrains, qui a empêché toute mise en concurrence.
Eric WoerthEric Woerth© DR
Personnellement visé par une instruction pour « prise illégale d’intérêts », l’ancien ministre du budget a été placé sous le statut de témoin assisté (un statut hybride entre le simple témoin et le mis en examen) le 4 mai dernier par la CJR. Son épouse, Florence Woerth, a pour sa part été entendue comme témoin par la commission d’instruction le 7 décembre 2011. Plusieurs hauts fonctionnaires du budget, de l’agriculture et de l’Office national des forêts (ONF) ont, par ailleurs, été interrogés ces derniers mois.
Véritable temps fort de l’instruction menée depuis un an par la CJR, ce rapport des experts – un géomètre, un spécialiste des questions forestières et un expert en évaluation de biens immobiliers – fait voler en éclats la défense d’Eric Woerth. Jusqu’ici, l’ancien ministre du budget s’est toujours défendud’avoir commis une quelconque irrégularité ou d’avoir lésé les intérêts de l’Etat dans le dossier de Compiègne. Son avocat, Jean-Yves Le Borgne, a eu des contacts avec les trois experts, mais ne semble pas avoir réussi à les convaincre.

Vers une mise en examen d'Eric Woerth

A la veille de l'audition d'Eric Woerth, en mai dernier, Me Le Borgne, expliquait crânement à Mediapart que « sur le plan pénal, cette affaire n'existe pas, elle est entièrement fantasmée ». Selon le défenseur d'Eric Woerth, « les terrains n'ont absolument pas été bradés. Ils ont, par exemple, été cédés à un prix supérieur à celui qui a été retenu pour la construction du siège de l'Office national des forêts. Quant aux services du ministre de l'agriculture Hervé Gaymard, ils avaient estimé ces terrains à 1,25 million d'euros dans le cadre d'un possible échange, soit la moitié du prix de vente de ces terrains à la société des courses de Compiègne ».
L'avocat estimait, en outre, que « vendre 2,5 millions d'euros, alors qu'on ne percevait qu'un loyer annuel de 43.000 euros, c'est plutôt une bonne affaire pour l'Etat, sachant que de toute façon il n'y aurait pas eu d'autre acquéreur en cas d'appel d'offres ». « Ça n'a rien de pénal, c'est une question purement politique. Je veux bien que des députés et des sénateurs d'opposition disent qu'il ne fallait pas vendre, mais c'est un débat politique, il n'y a strictement aucun délit dans cette affaire », ajoutait l’avocat d’Eric Woerth. Cette décision s'inscrirait dans le cadre d'une démarche de « vente des avoirs fonciers de l'Etat » et « d'une politique de désendettement de l'Etat », point à la ligne.
Cet argumentaire en défense d’Eric Woerth risque fort de ne pas suffire aux juges de la CJR. Selon des sources proches du dossier, le rapport des trois experts rend dorénavant la mise en examen de l’ancien ministre très probable, voire inévitable. Eric Woerth est en effet soupçonné d’avoir cédé les terrains forestiers de Compiègne sans en avoir le droit, dans la précipitation, alors qu’il allait quitter le ministère du budget pour celui du travail, et alors que les services de l’Etat s’y opposaient depuis des années (comme l’a révélé Le Canard enchaîné en juillet 2010).
Depuis l’édit de Moulins (qui remonte à 1566) les forêts domaniales sont en effet des domaines publics inaliénables : leur cession est impossible, sauf échange de parcelles. Demandée depuis belle lurette par la société des courses de Compiègne, qui est locataire, la vente de l’hippodrome avait été refusée en 2003 pour ces motifs par le ministre de l’agriculture Hervé Gaymard. Eric Woerth, lui, a forcé les services de l’Etat à réaliser cette cession. En outre, l’estimation des terrains faite à sa demande par France Domaines a paru précipitée et largement minorée aux yeux de spécialistes.
Au bout du compte, la vente des terrains et de l’hippodrome s’est faite à un prix d’ami. Elle s’est, en outre, effectuée de gré à gré, c’est-à-dire sans expertise indépendante préalable, ni appel à la concurrence. Bref, un véritable cadeau.
Philippe MariniPhilippe Marini
Il s’agissait là, selon toute vraisemblance, d’accorder une faveur d’importance à Philippe Marini, sénateur-maire de Compiègne et homme fort de l’UMP dans l’Oise. Des échanges de mails entre le cabinet d’Eric Woerth et celui du ministre de l’agriculture, alors opposé à la cession, attestent qu’Eric Woerth ne voulait pas contrarier son influent voisin du département de l’Oise. Le député-maire de Chantilly Eric Woerth et son épouse étant, par ailleurs, très investis dans le monde du cheval et celui des courses, tout comme Philippe Marini et son épouse dans leur ville de Compiègne.
Saisie depuis janvier 2010 du cas d’Eric Woerth, la Cour de justice, seule juridiction habilitée à poursuivre et à juger un ministre pour un délit commis dans l’exercice de ses fonctions, a pris ce dossier très au sérieux : pour la première fois de son histoire, elle a procédé à un transport de justice sur place, le 30 mars dernier, avec magistrats, policiers et experts.
Outre Eric Woerth, la Cour de justice est saisie du cas de l’ex-ministre de l’économie Christine Lagarde dans l’affaire Tapie/Crédit lyonnais.

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