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jeudi 6 octobre 2011

Primaires du PS: une enquête de Médiapart

Amis lecteurs,
Avant le premier tour des primaires socialistes, voici un bon article de Médiapart,  de ce jour 6 octobre 2011 sur:
Ce que pensent les Verts et le Front de gauche de la primaire.

 | PAR STÉPHANE ALLIÈS
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C'est l'une des nombreuses interrogations de ce scrutin: les sympathisants de gauche, mais non-socialistes, vont-ils se déplacer aux urnes? L'impact de leur participation sera en tout état de cause fonction du niveau de mobilisation générale. S'il est hors de question pour les dirigeants des autres partis de se mêler à la compétition, il leur était tout de même difficile de ne pas exprimer de préférence.
Ainsi Jean-Luc Mélenchon, à la fête de l'Humanité, a clairement laissé apparaître son tiercé de tête, accueillant en ami Montebourg, ne tarissant pas d'éloge sur l'évolution politique de Ségolène Royal, se faisant plus froid avec Martine Aubry, mais qualifiant de «faute politique» l'absence de François Hollande (lire notre reportage).
Après l'«offre publique de débat» faite par Mélenchon aux candidats socialistes, son entourage se félicite de la primaire du PS. «Pour l'essentiel, ils parlent de nous et on ne nous toise plus avec dédain», se réjouit Alexis Corbière, dirigeant du Parti de gauche et proche de Mélenchon: «Notre rhétorique est prise en compte, surtout par Montebourg et un peu par Royal, par exemple sur les marchés financiers. Ce sont des débats que le PS n'avaient même plus il y a cinq ans. Aujourd'hui, on compte.» Avec malice et sans nostalgie vis-à-vis de ses anciens camarades, il souligne aussi être «attentif à la recomposition interne du PS, où l'aile gauche de Hamon ne soutient même pas celui qui porte leurs idées, nos idées...».
Côté écolo, le bilan est aussi positif. «En prenant les propositions écolos de chacun, du nucléaire d'Aubry au cannabis de Baylet, en passant par Royal et l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, on se rend compte que c'est le programme d'EELV qui fait la synthèse», s'amuse Denis Baupin. Plus sérieusement, le responsable du programme écolo pour 2012 se félicite de voir que, «désormais, quand les socialistes parlent à leur électorat, ils sont obligés de tenir compte de l'écologie».
A EELV, en tout cas à sa direction, on ne dément pas une préférence pour Martine Aubry, tout en n'insultant pas l'avenir et en se disant prêt à gouverner avec François Hollande. Ils sont nombreux, à la direction du mouvement, à penser qu'une large part des 30.000 votants à leur propre primaire pourrait remettre ça les 9 et 16 octobre prochains. «La question du nucléaire mobilise les sphères écolos, estime Baupin, car il y a une fenêtre d'opportunité qui risque de ne pas se représenter.» D'autres militants, à la base, affichent leur soutien à Royal ou Montebourg, qu'ils soutenaient parfois du temps où ils militaient au PS avant de le quitter.

Hollande: le plus mal placé pour l’union

Sa place de grand favori dans les sondages oblige ses potentiels partenaires à tenir compte de l'hypothèse Hollande. Mais il est aussi dans leur souvenir le patron d'un PS hégémonique, n'ayant pas laissé grande place à ses alliés lors des législatives de 2002 et 2007. Certaines anciennes figures communistes ont bien annoncé leur soutien à Hollande, comme Robert Hue ou Jean-Claude Gayssot. Mais leur aura est très faible aujourd'hui chez les militants d'un PCF qu'ils ont quitté. Le premier prône désormais une alliance avec le centre sur le modèle du PC italien d'Enrico Berlinger: le second s'est depuis 2004 rapproché de la majorité régionale de Georges Frêche en Languedoc-Roussillon.
L'absence de Hollande à la fête de l'Huma s'est en outre accompagnée d'un commentaire, fait à Libération«Je ne crois pas qu'il faille donner le sentiment que l'on va chercher les électeurs communistes.» Problème supplémentaire pour Hollande: s'il est désigné, il sera opposé à Mélenchon. Soit son pire ennemi interne, vingt ans durant.
Entrés ensemble au comité directeur du PS au début des années 1990, ils n'ont eu de cesse de s'opposer par la suite. Hollande humiliera souvent le tribun du Front de gauche, depuis le congrès de Brest en 1997 (où il sera élu à la tête du PS avec 92% des voix, contre 8% à Mélenchon) jusqu'à celui de Reims. Entre-temps, les passes d'armes furent nombreuses lors des bureaux nationaux, notamment quand il s'est agi de parler du retour de la gauche en Amérique du Sud, ou lors du référendum européen de 2005, quand Hollande se refusa, après beaucoup de tergiversations, à exclure Mélenchon.
Dans son ouvrage En quête de gauche paru en 2007 (éditions Balland), le héraut du Front de gauche déclarait ainsi: «Chez lui, la forme rejoint le fond. Le cœur de la ligne "Démocrate" réside dans l'effacement des contradictions qui traversent la société, l'effacement de la notion même d'affrontement. François Hollande incarne ce projet. Je pense notamment à sa manière d'être, le balancement perpétuel de ses arguments qui lui permet de faire toujours passer sa propre position politique pour une évidence entre deux extrêmes absurdes. Il ne faut pas attendre de lui de rudes polémiques théoriques car ce serait le contraire de son projet. C'est le champion d'une figure centrale de l'enseignement de l'ENA que l'on appelle le "balancement circonspect". C'est un sophiste raffiné.»
Difficile d'imaginer un réel dialogue entre les deux hommes dans ces circonstances.
De fait, François Hollande semble davantage tourné vers le premier tour de la présidentielle et la construction d'un axe démocrate, qu'il appelait déjà de ses vœux dans une tribune auMonde en décembre 1984 (co-signée avec Ségolène Royal, Jean-Pierre Mignard et Jean-Yves Le Drian), aux côtés de centristes et de sociaux-libéraux, comme le banquier ex-MoDem Jean Peyrelevade (qui votera Valls au premier tour) ou son ami Jean-Pierre Jouyet, de retour auprès de Hollande. Au risque de se strausskahniser économiquement (lire le parti pris de Laurent Mauduit) et donc de ne pas s'adresser en priorité au cœur de l'électorat de gauche, et davantage à l'électorat français, de centre gauche et du centre.
Avec les écolos, la situation semble tout aussi compliquée. Si on note l'effort d'une réduction de la part du nucléaire à 50%, soit une diminution semblable (22%) à celle réalisée par l'Allemagne entre aujourd'hui et 2025, on n'est guère dupe de l'habileté du calcul. «C'est astucieux, reconnaît Denis Baupin,mais en Allemagne ils seront à 0%. Si on ne se fixe que 50%, on repart pour 50 ans de nucléaire, minimum. Cela signifie qu'on maintient l'EPR de Flamanville et qu'on prolonge des centrales au-delà de 40 ans, avec un surcoût considérable. D'autant qu'il se dit opposé au projet d'EPR à Penly. Mais maintenir 50% de nucléaire avec un seul EPR, c'est un non-sens technologique.»
Une autre proposition de Hollande interroge les écolos: la promesse d'un contrat de gouvernement avec eux dès le lendemain de son élection. Un contrat est pourtant déjà en cours de négociation depuis juin entre socialistes et écologistes (lire notre article), alors même que les négociateurs sont majoritairement issus de la direction aubryste du PS. Ce qui laisse craindre à de nombreux dirigeants d'EELV une remise en cause globale de l'esprit des discussions.

Aubry identifiée à la gauche plurielle

«Elle est celle qui représente le plus, après Jospin, la gauche plurielle. Même si ces alliances doivent être améliorées, ça reste un bon socle.» Un proche d'Aubry en est certain, sa championne est la mieux placée pour réaliser l'union avec les autres forces de gauche. Ses relations de l'époque avec la ministre Marie-George Buffet étaient bonnes, de même qu'avec Jean-Luc Mélenchon (qui l'avait soutenue au Sénat durant l'examen de la loi sur les 35 heures). Et elle a fait bien attention à ne pas tomber depuis dans la critique du Front de gauche, même si son passage à la fête de l'Huma n'a pas été des plus convaincant.
La lune de miel avec EELV ne s'est jamais démentie, depuis l'arrivée d'Aubry à la tête du PS. Devenus partenaires privilégiés après les européennes, les écolos n'ont pas à se plaindre des récentes négociations: des accords profitables ont considérablement augmenté leur nombre d'élus aux régionales, cantonales et sénatoriales.
Sur le fond, elle est aussi celle qui a affirmé les positions les plus écolo-compatibles, se prononçant de la façon la moins floue quant à une sortie du nucléaire, ou encore en promettant d'affecter une partie des 300.000 emplois-jeunes à l'expertise des logements en matière d'isolement thermique. Récemment, le vice-président EELV de la région Pays de la Loire, Matthieu Orphelin, a expliqué sa préférence, mais pour d'autres raisons. Et d'annoncer qu'il voterait à la primaire, disant apprécier «la sincérité et la clarté des prises de position de Martine Aubry sur des sujets qui me tiennent à cœur, et qui sont des fondamentaux du projet écologiste: la fin du cumul des mandats, l'égalité femmes-hommes (qui sera sa première loi), la lutte contre les discriminations».
Pour Denis Baupin, le choix de la formule est savamment pesée: «Je n'ai pas à choisir, mais disons que nous aimerions que tous les candidats pensent comme Aubry sur le nucléaire.»
Pour autant, Martine Aubry semble prisonnière du grand écart de ses soutiens, allant des proches de Benoît Hamon à ceux de Dominique Strauss-Kahn. Si les premiers ont fait le choix de s'adresser au reste de la gauche, dans un appel publié dans Mediapart, les seconds semblent avoir plus nettement influencé la ligne économique de la candidate (lire notre enquête).
La maire de Lille entend profiter d'un «vote utile anti-Hollande» chez les électeurs de gauche, et cible en priorité le premier cercle des sympathisants socialistes: féministes, associatifs, syndicalistes... Elle a notamment enregistré le soutien des présidents de la Cimade et de RESF, comme celui d'Edmond Maire (dirigeant historique de la CFDT), ou de la présidente de l'association «40 ans du MLF»...

Royal prône toujours l’arc-en-ciel

Comme le résumait à notre intention l'un de ses proches, Jean-Louis Bianco, «Ségolène est simultanément une femme d'ordre, une droitière sur l'entreprise et une altermondialiste quasi gauchiste sur l'économie. Sans se forcer, elle est à elle seule une synthèse de toute la gauche». Lors de son passage à la fête de l'Huma, Royal a en effet été félicitée par Mélenchon, qui avait déjà participé à sa fête de la fraternité en 2010.
Ce dernier a ainsi reconnu: «Avec elle, on n'est pas dans l'arrogance à la Hollande, qui se voit déjà président. Et elle s'est déclarée d'accord sur le contrôle financier et l'interdiction des licenciements boursiers.» Mais il a ensuite tiqué sur ses appels du pied passés au MoDem. «Il ne pourra pas y avoir et le MoDem et le Front de gauche dans de futures alliances!», avertit Alexis Corbière.
Dans une autre veine, et malgré des contentieux avec les écolos au sujet de la taxe carbone ou lors des dernières régionales (où elle avait débauché des élus d'EELV sur sa liste, malgré la présence d'une liste concurrente), Royal a récemment donné des gages à l'électorat écolo, en étant la seule à se prononcer pour la«réouverture d'une enquête publique» sur le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Elle a également fait connaître ce mardi le soutien de trois élus locaux de Poitou-Charentes et du président du Parc naturel du Marais poitevin.
Pour autant, Royal ne désespère pas d'ouvrir ses bras aux centristes. Après avoir attendu à la porte de François Bayrou dans l'entre-deux tours de la présidentielle de 2007, puis avoir mené la bataille du congrès de Reims en 2008 sur une alliance avec le MoDem, la présidente de Poitou-Charentes a lancé un appel aux «déçus de Jean-Louis Borloo», après le désistement de ce dernier dans la course à la présidentielle. Une stratégie arc-en-ciel, du NPA au centre-droit, de l'interdiction des licenciements à l'encadrement militaire des jeunes délinquants, qui fait tout autant sa force (elle peut ratisser large) que sa faiblesse (cette stratégie est-elle lisible?).

Montebourg à gauche toute

Depuis qu'il a fait un tabac à la fête de l'Huma, Montebourg surfe sur la dynamique de ses deux débats réussis et martèle son message démondialisateur et de mise sous tutelle des banques. Les échanges d'amabilités avec Mélenchon laissent tout de même sceptique le Front de gauche.
«On apprécie la campagne de Montebourg, et on sera bien sûr attentif à son score, car il aura une signification pour nous et la suite, sur l'envie de gauche d'une partie de l'électorat socialiste, note Alexis Corbière. Mais l'enjeu reste d'abord de séduire les abstentionnistes. Et pour cela, le clivage est le même que lors du référendum de 2005: est-ce qu'on s'adresse au peuple ou est-ce qu'on reste dans le cercle de la raison? On verra alors si Montebourg aura le courage de s'émanciper des disciplines de parti, comme nous l'avions fait à l'époque...»Dans l'hypothèse inverse, et plus encore si Montebourg se rangeait derrière un Hollande vainqueur de la primaire, le Front de gauche compte bien voir venir à lui nombre de déçus du député et président du conseil général de Saône-et-Loire...
S'il a perdu des suffrages potentiels auprès de l'électorat écolo, en restant mesuré sur le nucléaire et opposé à la dépénalisation du cannabis, il a toutefois fait de la transition énergétique et du développement des énergies renouvelables l'un des piliers de la«Nouvelle France» et du «renouveau productif» qu'il propose. Mais sa position très critique sur l'Europe ne semble pas du goût des élus européens écolos. Par ailleurs, il ne désespère pas de capter une part de l'électorat sensible à Eva Joly, dont il partage le sens du combat anti-corruption et anti-paradis fiscaux.
D'autre part, Montebourg mobilise d'autres idées qui peuvent faire synthèse dans la gauche non-socialiste, comme la VIe République qu'il est le seul à défendre parmi les candidats en lice. Son ode à la reprise de Valmy aux Le Pen, comme son plaidoyer en faveur du protectionnisme économique qu'il assume, pourraient séduire un électorat jusqu'ici chevènementiste. Enfin, il a mis en avant dans la dernière ligne droite de sa campagne l'ancienne candidate radicale à la présidentielle de 2002, Christiane Taubira, dont il a annoncé qu'elle serait sa prochaine garde des Sceaux.

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