Nombre total de pages vues

mardi 24 janvier 2012

une brève, mais intéressante histoire de la Sécurité Sociale

Amis lecteurs,
Vous trouverez ci-dessous, un article rédigé par Bernard COLOU, adhérent de la FGR FP de Loire Atlantique. 
ce topo est instructif et met en évidence le fait que nous soyons dans une phase de régression de la protection sociale.
Bonne lecture.



SANTÉ : DEUX SIÈCLES d'INITIATIVES et de CONTROVERSES 


QUELLE SÉCURITÉ SOCIALE en 2012?


Chômage, handicaps de la naissance à la fin de la vie, accidents, maladies, aide à l'enfance ... tout était au programme des fondateurs de la Sécurité Sociale. Aujourd'hui, pour beaucoup, la Sécurité Sociale c'est , avant tout, l'Assurance Maladie qui permet l'accès de tous aux urgences, à l'hôpital, aux soins et aux traitements. Survoler cette histoire permet de mieux comprendre les enjeux d' une médecine de qualité pour tous.
L'assistanat aux plus pauvres : vers la création de la Sécurité Sociale.
En France, pendant des siècles, les solidarités familiales étaient essentielles. Si celles-ci étaient défaillantes, l'aide aux plus démunis était assurée par des œuvres charitables religieuses.
En 1818, la création des Caisses d'Épargne puis des assurances privées ne pouvaient pas concerner les plus pauvres car pour épargner ou s'assurer, il faut un surplus de ressources.
La loi du 15 juillet 1850 encadre sévèrement les Sociétés de Secours Mutuels qui commençaient à répandre un esprit de solidarité: présidence par un notable, limitation des effectifs à une aire géographique restreinte, secours temporaires et frais funéraires ( 825 000 membres en 1870, 2 millions en 1889).
Le 1er avril 1898, une nouvelle loi mutualiste supprime les restrictions, libère les initiatives : retraites, assurance vie, décès, accidents ; cours professionnels ; allocations de chômage; soins, pharmacie...( 9 millions de membres volontaires en 1939). Une approche globale s'est imposée.
Comment cet esprit d'entraide n'aurait-il pas marqué l'approche de la question sociale à la Libération ? Comment les gestionnaires des mutuelles auraient-ils pu être dessaisis de leurs responsabilités ?
Le principe d'une assistance publique, obligatoire sur le territoire de collectivités locales fait son chemin, l'État n'apportant éventuellement qu'une participation financière limitée.
Une série de lois pour les plus miséreux instituent : l'assistance médicale gratuite (1893), l'assistance à l'enfance (1904), aux vieillards, infirmes, incurables (1905). En 1906, 1 320 000 personnes sont secourues. La protection sociale ne concernait que les catégories sociales faibles : bénéficier de l 'assistance c'est déchoir. Une vision universaliste traitant tous à égalité ne s'imposera - par la loi ! - que dans les années 1970 !
9 avril 1898 : En France, la loi sur les accidents du travail engage, pour la première fois, la responsabilité de
l'employeur. Le contrat de travail inclut la réparation.
Le 5 avril 1928, le vote d'une loi sur les assurances sociales connaît un début d'application le 1er juillet 1930. Seuls, les travailleurs dont les salaires ne dépassent pas un plafond très bas ( 1/3 d'entre eux) peuvent prétendre à une couverture des risques, décès, vieillesse, invalidité, maladie, maternité. Le taux de cotisation est trop bas (4% par le salarié, 4% par l'employeur). Pour les retraites, le régime par capitalisation est choisi, d'où l'opposition de la CGT. Un tiers seulement de l' argent collecté est redistribué. Les placements à risques sur les marchés financiers feront disparaître presque tout le capital !
Après une telle faillite, à la Libération, les partisans des solutions individuelles ( assurances privées) et régimes par capitalisation, ont fait profil bas. D'autant plus que certains, pendant l'occupation, n’avaient pas été irréprochables.


page1image26576
page1image26848
page1image27120
Le premier pays à créer de véritables assurances sociales est l'Allemagne. Le chancelier Bismarck voulait bâtir un état moderne notamment en intégrant les ouvriers de l'industrie à la société et en les éloignant des idées socialement subversives : 1884 (assurance maladie et accidents du travail), 1889 (invalidité, vieillesse). La gestion et le financement sont assurés paritairement par les travailleurs et les employeurs.
Ce lien très fort avec l'activité professionnelle inspirera les projets de Sécurité Sociale en France . En 1918, le maintien du système bismarckien en Alsace-Moselle sera une des références pour les partis de gauche et les syndicalistes de l'ensemble du pays.


La création de la Sécurité Sociale


15 mars 1944 : adoption du Programme du Conseil National de la Résistance.

Il prévoit "un plan complet de Sécurité Sociale visant à assurer à tous les citoyens des moyens d'existence dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés." La Sécurité Sociale représente une rupture sociale et politique radicale : participation financière largement majoritaire de l'employeur (entreprise, État ...), gestion par des syndicalistes élus, couverture de l'ensemble de la population, droit à la santé pour tous. L'objectif est une plus juste répartition des revenus : « chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins ».
Le programme du Conseil National de la Résistance prévoit donc une protection sociale de haut niveau. Ambroise Croizat, ancien responsable national de la CGT (fédération de la métallurgie) y défend la création d'une Sécurité Sociale financée par des cotisations sur les salaires (cotisation patronale prédominante), gérée paritairement et majoritairement par les représentants des travailleurs. Les prestations (retraites, indemnités journalières ...) seront proportionnelles aux salaires - ou aux revenus des travailleurs indépendants. S'il rejette certains aspects du plan britannique de Sir Beveridge (gestion étatique, financement par l'impôt, retraites forfaitaires), en revanche il retient l'objectif d'un système unique et universel obligatoire dont bénéficierait toute la population, cotisants et ayants-droit. Ambroise Croizat devenu Ministre du Travail et de la Sécurité Sociale, est secondé par un conseiller d'État, Pierre Laroque, premier Directeur de la Sécurité Sociale.
L'opposition des travailleurs indépendants (agriculteurs, commerçants, artisans, professions libérales ...), la volonté de garder des statuts et une protection sociale plus avantageuse (fonctionnaires, cheminots...), les réticences du mouvement mutualiste ont eu raison de quelques uns de ces objectifs ambitieux. Cependant en quelques années tous les salariés ont connu une amélioration de leur condition d'existence et une plus grande sérénité face aux aléas de la vie.
La législation est élaborée en peu de temps :
Ordonnances d'octobre 1945 : risques maladie, maternité, invalidité, vieillesse (retraites), décès, Loi du 22 août 1946 : allocations familiales,
Loi du 30 octobre 1946 : accidents du travail et maladie professionnelles.
La FÉDÉRATION NATIONALE de la MUTUALITÉ FRANCAISE et la SÉCURITÉ SOCIALE
"La
naissance de la Sécurité Sociale traumatise la FNMF." "Les dirigeants de la FNMF s'y opposent frontalement au printemps 1945." "Certains en viennent même à se demander si leur activité a encore un sens..."(extraits de "la MGEN 1946-2006" Michel Dreyfus, préface J-M Laxalt )
De 1946 à 1947,
Ambroise Croizat accepte le principe d'une négociation entre la CGT et le mouvement mutualiste sous l'autorité du député radical de Loire Inférieure André Morice. L'objectif est de laisser un espace aux mutuelles, préciser leur rôle complémentaire et leur accorder une délégation de Sécurité Sociale dans la Fonction Publique (Éducation Nationale, Finances, PTT ...). La loi Morice est votée à l'unanimité le 27 février 1947. Dès lors les mutuelles connaissent une expansion remarquable. Le Code de la Mutualité de 1955 précise leur statut face aux prétentions des assurances privées à but lucratif. Pendant les décennies suivantes chaque désengagement de la Sécurité Sociale offre un nouvel espace aux interventions des complémentaires santé, mutuelles, institutions de prévoyance ou assurances privées.
La France ayant une grande pénurie de main-d’œuvre, le risque chômage n'est pas intégré dans les structures de la Sécurité Sociale. Hormis quelques rares établissements publics, le handicap (de la naissance à la fin de la vie) est pris en charge par des institutions religieuses. La simple évocation de la couverture du risque « dépendance » par A. Croizat a suscité des réactions hostiles.
Extension de la Sécurité Sociale : vers une une sécurité sociale universelle ?
Les fondateurs de la Sécurité Sociale ont conscience que des progrès restent à réaliser :
• diminuer l'importance du « ticket modérateur » (part restant à la charge des ménages, pouvant être couverte par les mutuelles). Ainsi pour les médicaments, les remboursements à 50 % par la Sécurité Sociale
passeront à 80 % vers 1965
• étendre la couverture, par l'Assurance Maladie, à de nouvelles catégories sociales.
Bref aperçu : fonction publique civile, électricité, gaz de France ...(1-1-1947) ; collectivités territoriales (1-
4-1951; exploitants agricoles (21-1-1961); « non salariés-non agricoles » artisans, commerçants, industriels , professions libérales ( juillet 1966 et janvier 1970) ;détenus, jeunes demandeur d'emploi, jeunes au Service National (juillet 75) ; régime des cultes (21-1-77); possibilité d'adhésions individuelles à la Sécurité Sociale selon le principe du volontariat (2-1-78). Des millions de personnes n'y étant pas obligées n'ont pas été assujetties à la Sécurité Sociale notamment pour des raisons financières.
Le 27 juillet 1999 : création de la CMU, Couverture Maladie Universelle, appliquée le 1-1-2000 pour les personnes les plus pauvres (puis la CMUC, CMU Complémentaire).


L'ère des régressions:1967-2012


L'évolution du dossier « retraite » a été scandée par des décisions spectaculaires à des dates précises : 1982, 1995, 2003, 2008, 2010. En revanche le dossier «Assurance Maladie » a subi pendant des décennies de nombreuses mesures aux conséquences apparemment limitées. La somme de toutes ces mesures entraîne pourtant un coût de la santé insupportable pour de nombreux ménages : restes à charge et cotisations à une complémentaire santé, renoncements aux soins plus ou moins importants pour 25 % de la population.
Depuis 1967 sont orchestrées des campagne de dramatisation sur les déficits de la branche maladie de la Sécurité Sociale et sur l'explosion des dépenses de soins et de remboursements. L'essentiel des efforts est demandé aux patients . En 2010 : 41 milliards d'euros de reste à charge pour les malades , la Sécurité Sociale ne remboursant que 55 % des soins de ville (bien sûr, ce n'est pas la même chose pour les urgences, les longues maladies et les hospitalisations).


Ordonnances de 1967 : éclatement de la Sécurité Sociale en quatre branches aux financements distincts, 5 confédérations syndicales reconnues à égalité nomment leurs représentants pour une gestion paritaire, le patronat trouvant des alliés pour le partage des directions de caisses. Les remboursements des frais de médicaments passent, dans l'ensemble, de 80 à 70 % .


1976 à 1979 : plans Simone Veil - Raymond Barre : déremboursement des médicaments de « confort », création des vignettes de couleurs selon le taux de remboursement, plus 1% de cotisation salariale...
1980 : La création du secteur 2 à honoraires libres, appliqué le 1er janvier 1981 et non remis en cause ensuite, marque la volonté de créer une médecine à deux niveaux. L'égal accès aux soins, principe fondateur de la Sécurité Sociale, est abandonné.


De 1983 à 2012 : forfait hospitalier journalier (1983), remboursements de 70 à 65 % (1993), suppression de la prise en charge à 100% des soins poste-opératoires (2003), réforme Douste-Blazy, forfait de un euro, déremboursements ...(2004), forfait de 18 euros pour les actes supérieur à 91 euros en 2006 puis à 120 euros en 2011, franchises médicales de 0,5 euro sur les boîte de médicaments, 2 euros sur les transports ...(2008). Presque chaque année des déremboursements sont décidés.
***
Le programme du Conseil National de la Résistance reste d'une totale modernité : l'ambition d'une
médecine de qualité pour tous. Une Assurance Maladie tendant vers 100% de remboursements des soins et des médicaments efficaces ne peut exister qu'avec des financements nouveaux où tous les revenus seront mis à contribution. Sinon, le nombre de personnes renonçant aux soins va encore grandir. Il est anormal que les complémentaires santé, si coûteuses, soient devenues indispensables. Le dépassement d'honoraires pour des interventions de qualité est la nouvelle forme d'une tarification libre pour une clientèle sélectionnée.
Ces différentes régressions, dont beaucoup ne mesurent pas les conséquences, nous ramènent progressivement à la situation antérieure : le filet de sauvetage pour les plus démunis, les solidarités familiales, le recours à des assurances individuelles. Ces « solutions? » tant vantées depuis quelques années masquent mal le renoncement à une Sécurité Sociale de haut niveau.
Bernard COLOU.


Taxation des Mutuelles : 0 % en 2000, 13,27 % en 2012 !


1. Financement de la CMU Complémentaire
La contribution de l'État a été progressivement supprimée.
Taxe CMUC sur les contrats des complémentaires santé, (mutuelles, institutions de prévoyance et assurances privées) :
1,78 % de 2001 à 2005
2,56 % de 2006 à 2008
6,27 % de 2009 à 2011 sur l'ensemble des cotisations.

2. Nouvelle taxe, la TSCA (Taxe sur les Contrats d'Assurance Santé solidaires et responsables). 01-01-2011 : création d'une TSCA à 3,5 %
01-10-2011 : TSCA à 7 % sur l'ensemble des cotisations.
Taxe de 9 %, au lieu de ces 7 %, sur certains Contrats d'Assurance Santé pouvant sélectionner les assurés (critères d'état de santé, surprime aux personnes en mauvaise santé). La différence de taxation est dorénavant trop faible pour que ne se développent pas ces pratiques scandaleuses. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire