«Depuis la création de mon spectacle Crise de foi, en 2010, j’ai reçu des menaces limitées en comparaison de celles consécutives à mes chroniques en radio sur le FN. Les insultes, elles, sont stables du côté des anonymes se revendiquant de l’islam, par contre, elles augmentent du côté de ceux se revendiquant comme chrétiens luttant contre la "cathophobie" et pour la défense des "racines chrétiennes de la France". Ils ont en commun d’avoir un niveau de langage et de haine peu compatible avec les valeurs religieuses qu’ils prétendent défendre et leurs insultes sont finalement assez proches. Les deux revendiquent le délit de blasphème. Or, je suis athée, donc pour moi, ce délit n’existe pas.



«J’ai fait le choix - mais me suis-je voilée la face ? - de traiter la bêtise des dogmes et des histoires religieuses en mettant de côté les principaux symboles. Ce qui, comme me le rappelait Charb, est strictement impossible pour un dessinateur. On peut traiter de l’islam, de la chrétienté et du judaïsme sans mettre en scène le Coran, une croix ou une étoile de David.
«Par contre, la même chose en dessin est rigoureusement impossible. Mais d’une manière générale, j’ai toujours pensé que les croyants pouvaient se carrer leurs symboles où ils voulaient, puisque je n’en avais pas besoin pour dire ce que j’avais à dire. Par goût, je préfère l’idée à la provocation, mais je ne m’interdis rien, ça vient comme ça vient. Certains sont choqués, d’autres pas.
«Les idées de Charlie ne sont pas mortes et Charlie non plus. La liberté d’expression nous garantit le droit d’aborder n’importe quel thème. Sur la manière de faire pour que ce soit efficace d’un point de vue politique et moral ou tout simplement drôle, chacun est libre de choisir son approche, la provocation ou la finesse, l’absurde, peu importe. Les crimes de ces deux crétins sont aussi odieux qu’inutiles et inefficaces. Ils ne font qu’accroître notre vigilance et l’envie de continuer de se foutre de leur gueule. Ils sont impuissants, incultes et inutiles. Si Dieu existe, qu’il vienne se défendre lui-même.»
Recueilli par Gilles Renault