L’EUROVELO 6 DE DOLE À SAINT-BREVIN
DU SAMEDI 12 JULLET AU MERCREDI 23 JUILLET 2014
L’idée de ce voyage a
germé dans mon esprit au printemps. J’ai décidé de partir de Dôle, la ville
natale de Michèle, ma maman, pour rejoindre l’océan Atlantique à Saint–Brévin.
Je voulais faire le
chemin de vie de ma maman, sur son vélo Singer, datant de 1977. Pédaler le long
du Doubs, de la Saône et de la Loire pour laisser sur les chemins de halage, le
chagrin de sa mort. J’avais l’espoir d’arriver à Saint-Brévin, délestée de ma
peine et fortifiée par ce périple cycliste à travers la France.
Entreprendre seule, ce périple était un choix et un défi. Au fond
de moi, je nourrissais l’espoir que si je réussissais ce voyage, j’arriverai à
vivre sans elle.
Partie de Labaroche le
samedi 12 juillet, sur mon vélo, j’ai rejoint la gare de Colmar pour prendre 3
trains afin d’arriver à Dôle, à 13 h. Je suis passée par la vieille ville,
Grand’rue dans laquelle Michèle, était née le 4 septembre 1945. J’ai également
retrouvé la rue Marcel Aymé, où mes deux arrière-grand-mères tenaient un
commerce. Les rues ressemblaient à mes souvenirs d’enfance et aux récits que
mes grands-parents me faisaient de leurs jeunes années. Les vieux immeubles de
rapport, aux façades sombres, étaient toujours debout. Une sensation de temps
suspendu m’a effleurée et poussée à pédaler pour rejoindre les rives du Doubs.
J’avais 90 km à parcourir
dans l’après-midi pour rejoindre Châlon/Saône, où ma grand-mère et ma tante
m’attendaient. J’ai fait pour la première fois ce parcours à vélo. Je
souhaitais éprouver l’effort fait mes grands-parents de nombreuses fois de 1941
à 1953 (date d’achat de leur première voiture) quand ils rendaient visite à
leurs parents restés à Dôle. En voiture depuis mon enfance, je fais ce trajet
deux fois par an, je m’attendais à peiner et à me languir d’arriver. Ce fut un
enchantement. J’ai découvert des paysages splendides derrière des noms
familiers, comme Saint-Jean de Losne et Seurre. Les rives de la Saône avec les
écluses, les quais et les ponts laissent percevoir les traces d’une navigation
passée dynamique et d’échanges florissants. Avec surprise, je me suis amusée
des tentes et des installations des pêcheurs de carpes, venus de nombreux
départements et même du Bas-Rhin.
Des bleuets bordaient le
chemin de halage, traçant un fil bleu pour me guider jusqu’à Verdun/Doubs, sur
l’île, où maman aimait aller.
J’ai quitté Verdun, en
passant devant la place sur la quelle mon grand-père jouait à la pétanque. J’ai revu l’ancienne maison de mes grands-parents,
un lieu heureux de mon enfance. J’ai pédalé 25 km à proximité de la Saône pour
rejoindre Châlon où ma grand-mère et ma tante m’ont accueillie avec joie.
De Châlon à Paray le
Monial, j’ai apprécié Chagny et Saint-Léger sur Dheune. Montceau les Mines,
porteuse des traces de son passé minier m’a paru plus triste. Il pleuvait sur
la ville, qui se préparait à fêter le 14 juillet, j’ai pédalé avec ardeur pour
m’en éloigner, la mélancolie me gagnait. La fatigue des 110km de la veille et
des 60 km du jour ainsi que l’éloignement d’avec ma famille, provoquaient un
coup de blues. Le doute s’installait en moi. Aurais- je les capacités physiques
et la force mentale d’accomplir ce voyage ? Je devais rejoindre une auberge à 13 km de
Paray le Monial, l’étape comportait plus de 100 km, c’était un peu trop long.
Arrivée vers 18 h au
Moulin des Vaux à Nochize, j’ai retrouvé le sourire. Une femme seule, avec un
vélo équipé de sacoches attire la sympathie. Après un bon dîner et une nuit
réparatrice, le moral était au beau fixe. Au petit déjeuner, j’ai discuté avec
Eva, une femme suédoise retraitée. Elle venait ici faire de l’équitation, pour
se remettre de son divorce, en se
ressourçant dans la nature. A sa question, pourquoi j’entreprenais ce voyage
seule, je n’ai pas pu évoquer le décès de Maman. J’ai dit que j’avais envie de
faire ce périple pour me remettre d’une année difficile.
A 9 heures, je partais en
direction de Bourbon Lancy pour 70 km, en faisant un arrêt dans la belle
basilique de Paray. Sur le parvis, j’ai croisé des cyclistes de l’Eurovélo 6.
Un couple de la cinquantaine, originaires de Saumur, ils se rendaient à la mer
Noire, pour un périple de 3 mois. Respect… j’ai pensé à mon père qui souhaite
accomplir ce voyage l’an prochain.
A Bourbon Lancy, j’ai
logé à l’Hôtel du Pont, à 300 mètres de la Loire. Délicieuses confitures maison
au petit déjeuner.
Arrivée à Nevers, après
un joli trajet de 75 km, j’ai apprécié le charme paisible de l’hôtel
Beauséjour. J’ai visité le palais ducal et fait la connaissance de Christian,
rédacteur de la mairie. Il m’a conseillé Nevers plage, sur les rives de la
Loire. J’ai profité du soleil, de la piscine et d’un transat au pied de la
vieille ville. Je n’avais pas très envie de faire étape dans une ville, mais ce
fut une halte détente, culturelle et sympathique. Le soir sur les conseils de
Christian, j’ai mangé au Pub du bureau, sympathisé avec Elodie et Stéphanie,
mes voisines de table. Un concert de jazz années 50, a animé la place.
Nevers, la Charité sur
Loire, Pouilly sur Loire, arrivée à Saint-Satur. 65 km, baignade, visite de la
basilique de la Charité et de La Tour de Pouilly pour découvrir le fameux
Pouilly Fumé et son terroir. Rencontre avec Claire, d’Orléans, Rémo de Berne,
Charly d’Innsbruck et François de l’Essonne. Super repas au Ligérian,
guinguette en bord de Loire, à côté du camping.
Saint- Satur à Sully sur
Loire, 85 km. Rencontre des bizontines, Annick et sa fille Audrey, de 21 ans,
de Stéphane et François, étudiants en école d’ingénieurs à Belfort et à Brest.
Belle soirée au restau du camping, avec une Fejoade. Visite du château de Sully,
qui mérite une halte ( superbe charpente du XV è s).
De Sully à Orléans, 50
km. Rencontre avec Alessandra, peintre italienne de Milan. Baignade à l’île
Charlemagne, au sud de d’Orléans.
Train d’Orléans à
Amboise. Gite Ethic, proche du centre sur l’île d’Or. J’avais le cœur un peu
serré en arrivant à Amboise car j’avais
quitté mes amis cyclistes. De plus j’étais venue à Amboise en 1982 avec maman,
voir un magnifique son et lumière au château d’Amboise, relatant la relation de
François 1 er de Léonard de Vinci, j’appréhendais de verser dans la nostalgie.
Au pied de l’imposant château en début de soirée, je peinais à retrouver ma
joyeuse humeur des jours précédents. Une musique rock venue du bout de la rue a
guidé mes pas, vers le café des Arts. Au soleil rasant du soir, j’ai dégusté un
vouvray, qui m’a mis d’humeur à lier la discussion avec des autochtones.
Superbe soirée joyeuse et d’échanges. Visite du Clos Lucé le matin, café du
matin avec les Amboisiens, pique nique sur l’île d’Or.
Départ pour Tours, 46 km.
Après 601 km parcourus seule, heureuses retrouvailles avec mon père chez mon
ami, Sié. Soirée pizza, arrosée d’un excellent Vouvray. Dimanche sous un ciel menaçant nous avons
pris la direction de Saumur, pour faire étape à Gennes sur Loire, après 104 km,
dans un paisible camping en bord de Loire. Passage dans les villages
troglodytes, le vignoble, les bords de Loire, les châteaux, très beau trajet.
Des coups de cœur pour
Bréhémont, Candes Saint-Martin,
Gennes/Loire, Bouchemaine ( le café de Noé), Montjean et ses sculptures
géantes, Saint-Florent le Viel et la littérature de Julien Gracq, Oudon et la
charmante serveuse du café du Hâvre, Paimboeuf et son passé portuaire et ses
innovations artistiques.
Ce périple sur l’Eurovélo
6 est un grand et magnifique voyage. D’abord il a été un voyage intérieur avec
la réminiscence d’heureux souvenirs d’enfance en Saône et Loire et à Amboise.
Ensuite fortifiée par 280
km de vélo, j’ai vécu un voyage vers les autres. Très facile quand on a le
sourire, les autres sont accessibles et heureux d’échanger, de livrer quelques
bribes de leur vie. Mon cœur s’est réchauffé au contact de belles personnes,
insouciantes, généreuses, encourageantes, philosophes, esthètes, optimistes…Au fil
de l’eau, j’ai laissé mon chagrin se disperser sur les rivages et je me suis
remplie d’images de paysages, clochers, ponts, écluses, petites maisons de
vieilles pierres colorées de roses trémières, jardins de grand-mère peuplés
d’hortensias, de poireaux, de soucis, silhouettes d’arbres, de châteaux. Autant
de traces du passé et du présent qui construisent la France, en font une terre
d’accueil et de d’échanges.
Et enfin j’ai fait un voyage
vers la résilience. Accompagnée par mon père, j’ai abouti à l’estuaire de la
Loire, là où ses eaux se dispersent dans l’océan. Au soleil du matin ; je
me suis baignée à Saint-Brévin. Un vol d’hirondelles m’a salué, l’une d’elle
s’est détachée pour tournoyer au-dessus de moi. J’ai pensé à maman, je l’ai
remercié de m’avoir guidée sur ce chemin. J’ai eu l’impression qu’elle avait
jalonné mon voyage des personnes dont j’avais besoin et guidé vers les lieux où
j’ai été heureuse avec elle.
Elle avait bien choisi
mon père, il a été présent au bout de ce périple, cela m’a motivé. Elle m’a
enseigné le courage et la vitalité. Merci pour la vie.
Laurence
Quelques photos prises par Laurence
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Nevers vue de la plage |
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Arrivée à La Charité sur Loire par un chemin de halage |
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Pont canal de Briare, construit par Eiffel |
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Devant le château de Sully avec une cycliste bizontine. |
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Le château de Sully au petit matin. |
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Une famille allemande avec un vélo à rallonge |
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La charpente du château de Sully |
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Vue sur la château d'Amboise, depuis le Clos Lucé |
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Dans le parc du Clos Lucé |
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Pierre, aux environs de Candé Saint-Martin |
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Sur un quai, à proximité de Chalonne sur Loire |
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Notre cabane à Gennes sur Loire, on refait le plein de sels minéraux, après 104 km. |
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Sur le pont entre Gennes et les Rosiers sur Loire. Sortie restaurant avec mon père, tenue correcte exigée ! |
Façade insolite à Paimboeuf
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Coucher de soleil sur la raffinerie de Donges |
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Le serpent de mer à Saint-Brévin méritait bien 910 km de coups de pédales ! |
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Après 12 jours sans véhicule motorisé, je m'autorise le bus pour relier St-Brévin à St-Nazaire. |