Stupeur après le départ de Nicole Bricq de l’écologie
22 JUIN 2012 |
Lire aussi
Stupeur à l’annonce du départ de Nicole Bricq du ministère de l’écologie, jeudi soir. « Je l’ai vue la semaine dernière, j'ai rencontré des membres de son cabinet hier, il n’y avait pas le moindre signe de changement », raconte Benoît Hartmann, porte-parole de France Nature Environnement (FNE). « J’avais rendez-vous demain avec son cabinet, avec elle la semaine prochaine, et un député socialiste me confiait il y a quelques jours sa joie de voir le pôle écologiste du PS se reconstituer au ministère, rien n’annonçait cela », confie un expert. « J’ai vu Nicole Bricq hier à Rio, elle n’était pas sur le départ », affirme un élu.
La nomination de Nicole Bricq au commerce extérieur n’a rien d’une promotion. Sous la précédente présidence, le ministère de l’écologie était un ministère d’Etat. Et même sans cette marque d’honneur, il est bien plus puissant actuellement, renforcé par l’énergie, que le portefeuille du commerce extérieur. Nicole Bricq a-t-elle été sanctionnée alors qu’elle venait de perdre un important arbitrage sur les forages pétroliers de Shell au large de la Guyane ?
La semaine dernière, elle avait annoncé le gel temporaire de ces permis de recherche exploratoire, car ils n’apportent pas de« contrepartie suffisante pour l’intérêt national », et parce que « la prise en compte des problématiques d’environnement n’est pas satisfaisante ». Le ministère expliquait alors vouloir avant tout refonder le code minier, afin d’imposer plus de contraintes aux sociétés détentrices de permis.
Mais une semaine plus tard, le dossier a été repris en main par le premier ministre et le préfet de Guyane a reçu l’autorisation de signer les arrêtés préfectoraux permettant la relance des travaux. Le directeur de cabinet de Jean-Marc Ayrault, Christophe Chantepy, a reçu Laurence Parisot, la présidente du Medef, très remontée contre le gel des permis. La suspension temporaire des permis constitue une remise en cause de la parole de l’Etat, avançait la porte-parole du patronat. Au risque de placer l’exécutif en situation d’insécurité juridique vis-à-vis des pétroliers, et notamment Total, associé aux forages guyanais ?
« On pensait que Gérault Guibert, son directeur de cabinet, risquait de sauter, mais pas la ministre », confie le conseiller d’un ministre. Le bateau-plateforme de Shell, en provenance de Corée du Sud et à destination de la Guyane, n’a jamais dévié de sa route, croit savoir le responsable d’une ONG, y voyant un signe de l’assurance de la multinationale de parvenir à ses fins. Pendant sa campagne, François Hollande s’est clairement prononcé contre l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels : « Quelle que soit la méthode d'extraction, je suis pour l'interdiction claire et nette de l'exploitation des gaz et huiles de schistes », avait-il répondu à Greenpeace.
Mais il était beaucoup moins fermé au principe des forages off-shore, pourtant décriés pour leur risque environnemental – illustré par la catastrophe de la plateforme de BP, Deep Water Horizon, au large de la Floride : « Ces explorations doivent être soumises à une réglementation européenne plus contraignante », se contentait-il de répondre au même questionnaire de Greenpeace. Et encore plus ouvert quand il s’agit de la Guyane : « Ce que nous devons assurer, c'est d'avoir la retombée financière ici, en Guyane, de l'exploitation d'une richesse », avait-il déclaré dans France-Guyane.fr
« Désastreux pour l'écologie »
Sur le fond, au-delà des permis Shell, la question posée par cet affrontement est celle de la réforme du code minier. Ce texte accorde en effet une licence quasi totale aux détenteurs de permis. La création d’une obligation à plus de transparence en matière d'information, de consultation des riverains et de prise en compte des dommages des forages sur l’environnement fait l’objet de demandes répétées des mouvements d’opposants aux gaz et huiles de schiste. Lancé par Nathalie Kosciusko-Morizet alors qu’elle était ministre de l’écologie, ce chantier est jusqu’ici l’un de ceux que Nicole Bricq a le plus mis en avant. Une volonté forgée dans son opposition à l’exploitation des gaz de schiste.
A-t-elle été trop loin et trop vite sur le sujet par rapport aux intentions de la tête de l’exécutif ? « Nicole Bricq est une femme indépendante », assure un membre du gouvernement. La concomitance de l’affaire des permis Shell et de son départ du gouvernement est frappante. Et depuis l’épisode de l’accord PS-écolos secrètement modifié suite à l’intervention d’Areva en octobre dernier, on sait les socialistes perméables aux pressions du lobbying.
Non, « la principale chose qui a joué, c’est qu’il y avait un contexte pour faire de la place aux amis de Royal, et qu’il fallait dégager un ministère de plein exercice », analyse un membre du gouvernement. Il y avait une incompatibilité manifeste entre Delphine Batho et Christiane Taubira (voir ici). Mais l’ancienne porte-parole de François Hollande pendant sa campagne était plutôt attendue auprès de Manuel Valls, rattachée aux questions de sécurité, son thème de prédilection.
Autre hypothèse, la ministre a-t-elle souhaité elle-même changer d’affectation ? « Elle et son équipe paraissaient larguées, décrit un membre du Comité national du développement durable et Grenelle environnement. Ils ne semblaient pas rentrer dans le fond des dossiers. Il y a cinq ans, les premières réunions avec Borloo étaient hallucinantes parce que ça partait dans tous les sens, mais il était là à fond. Elle avait l’air perdu. Il y a peut-être eu un malentendu : pour beaucoup, le ministère de l’écologie, c’est encore un petit portefeuille, un ministère de mission. Alors qu’en réalité, il y a 118 000 agents à gérer. C’est un ministère opérationnel, d’ouvriers, de centres d’études techniques, de travaux. A 90 %, c’est l’ancien ministère de l’équipement. »
A-t-elle été trop loin et trop vite sur le sujet par rapport aux intentions de la tête de l’exécutif ? « Nicole Bricq est une femme indépendante », assure un membre du gouvernement. La concomitance de l’affaire des permis Shell et de son départ du gouvernement est frappante. Et depuis l’épisode de l’accord PS-écolos secrètement modifié suite à l’intervention d’Areva en octobre dernier, on sait les socialistes perméables aux pressions du lobbying.
Non, « la principale chose qui a joué, c’est qu’il y avait un contexte pour faire de la place aux amis de Royal, et qu’il fallait dégager un ministère de plein exercice », analyse un membre du gouvernement. Il y avait une incompatibilité manifeste entre Delphine Batho et Christiane Taubira (voir ici). Mais l’ancienne porte-parole de François Hollande pendant sa campagne était plutôt attendue auprès de Manuel Valls, rattachée aux questions de sécurité, son thème de prédilection.
Autre hypothèse, la ministre a-t-elle souhaité elle-même changer d’affectation ? « Elle et son équipe paraissaient larguées, décrit un membre du Comité national du développement durable et Grenelle environnement. Ils ne semblaient pas rentrer dans le fond des dossiers. Il y a cinq ans, les premières réunions avec Borloo étaient hallucinantes parce que ça partait dans tous les sens, mais il était là à fond. Elle avait l’air perdu. Il y a peut-être eu un malentendu : pour beaucoup, le ministère de l’écologie, c’est encore un petit portefeuille, un ministère de mission. Alors qu’en réalité, il y a 118 000 agents à gérer. C’est un ministère opérationnel, d’ouvriers, de centres d’études techniques, de travaux. A 90 %, c’est l’ancien ministère de l’équipement. »
Un mois et demi après sa nomination, la ministre n’avait toujours pas reçu les confédérations syndicales. La conférence environnementale qui devait réunir les grands acteurs du développement durable dans la société civile, dans un esprit post-Grenelle de l’environnement, d’abord annoncé en juillet, était en train de glisser vers septembre. Lors de la dernière réunion sur le sujet, la semaine dernière, aucun membre du cabinet Bricq n’était présent. Mais difficile d’imaginer que ces problèmes d’organisation et de coordination avec Matignon aient pu, seuls, causer le départ de Nicole Bricq.
« Que Nicole Bricq ait servi de variable d’ajustement, ou qu’on ait changé son affectation à cause des permis Shell, dans les deux cas, c’est désastreux pour l’écologie », s’inquiète le conseiller d’une importante ONG environnementale. Le premier défi de Delphine Batho, qui batailla au secours de l’agriculture biologique et contre les organismes génétiquement modifiés lors du vote de la loi sur les OGM, en 2008, sera de rassurer ses interlocuteurs sur sa volonté de mener à bien la transition écologique que prônait sa prédécesseure.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire