Intéressante la prise de position de Martine Aubry, au sujet de la sortie du nucléaire, avant hier au grand journal de Canal+. Voici un article transmis par EELV.
Une première, Aubry pour la sortie du nucléaire
Hervé Nathan - Marianne | Mardi 22 Mars 2011
La première secrétaire du PS brise le consensus pro-nucléaire traditionnel au sein du parti. Elle ouvre la perspective d’une alliance avec les Verts Génération Ecologie et celle d’un affrontement avec Nicolas Sarkozy au cours de la présidentielle
C’est une petite phrase jetée comme par négligence sur le plateau du Grand Journal, mardi 21 mars. Face à Jean-Michel Aphatie, Martine Aubry prononce les mots suivants : « Je crois qu’il faut sortir du nucléaire », et de préciser très vite : sur une période de 25 ans à trente ans. Aphatie ne relance pas, c’est dommage, car il vient de passer au travers d’une annonce politique de la plus grande importance.
Sortir du nucléaire sur une période de plusieurs dizaines d’années, ce n’est pas un programme anodin : c’est presque au mot près la position des Verts. Le mot, en moins, c’est le référendum ! Car c’est bien la première fois qu’un (une) premier (première) secrétaire du Parti socialiste énonce une telle orientation sur la question. C’est quasi historique. Jusqu’à présent le PS c’était le troisième pilier (après le RPR-UMP, et le PCF) de l’industrie nucléaire en France. Pour dire simple : le nucléaire, jusqu’à présent faisait consensus chez les socialistes, sauf quelques écolos égarés comme Aurélie Filipetti. Beaucoup d’élus ont des centrales EDF ou des usines Areva dans leur circonscription. Et l’énergie nucléaire a toujours été analysée au PS comme une branche majeure de l’industrie tricolore. Last but not least, c’est une proche de François Mitterrand qui préside Areva, et l’avant dernier président d’EDF était un ami de Lionel Jospin.
Dans le PS, la position de Martine Aubry est bien ressentie comme une rupture. Juste après le désastre de Fukushima, le groupe socialiste à l’Assemblée avait déjà fait un effort considérable en demandant un « débat loyal » sur la sortie par étapes du nucléaires en France, et un audit « pluraliste » des centrales françaises. Ouvrir un débat - certes quasi interdit en France jusqu’à présent -, cela ne mange pas de pain. Un audit non plus. Il y a deux ans, le PS était encore plus éloigné : il posait simplement des « conditions » au nucléaire en France, comme par exemple la renationalisation totale d’EDF et de ses 58 réacteurs.
On voit bien que le chemin que Martine Aubrydiverge, si on ose le terme. Alors quelle mouche a piqué la première secrétaire ?
D’abord, ce n’est pas une lubie. Renseignement pris auprès de l’entourage de Martine Aubry, la phrase a bien été prononcée sciemment, et on s’étonne qu’aucun journaliste (sauf à Marianne…) s’y soit intéressé jusqu’à présent.
Ensuite, « Fukushima, cela change tout » explique Laurence Rossignol à Marianne. La secrétaire nationale à l’environnement est assez étonnée elle-même de la position d’Aubry. Mais elle assure que le PS est mûr pour une transition écolo. « La catastrophe japonaise a levé le mythe de l’infaillibilité du nucléaire, et montré aussi notre trop grande dépendance au nucléaire », explique-t-elle. Interrogé à son tour, le député François Brottes, qui a toujours soutenu le nucléaire, tente de minimiser : « On ne sort pas du nucléaire comme cela. On ne peut pas laisser cette filière s’éteindre à petit feu. Le sujet c’est de consommer moins d’énergie ».
Une personnalité se réjouit, c’est Yves Cochet : « Elle a vraiment dit ça ! C’est énorme ! », s’exclame le député vert. En fait, les écologistes se préparaient à négocier avec les socialistes un « contrat de législature », comprenant une « loi de sortie du nucléaire en 25 ans ». Yves Cochet précise : « Cet engagement pour nous est bien plus important que la tenue d’un référendum. » Le voici donc comblé par la première secrétaire avant même toute discussion… Laurence Rossignol trouve le référendum inutile : « Il aura lieu en 2012, lors du scrutin présidentiel. Les Français auront à choisir entre deux programmes très clairs : celui de la droite pour le tout nucléaire, puisque c’est la position réaffirmée de Nicolas Sarkozy, et celle de la gauche, pour une sortie progressive et programmée. » Et chez les socialistes, on a bien remarqué un sondage IFOP pour les Verts, réalisé le 14 et 15 mars, selon lequel 51% des Français sont pour une sortie en 25 ans, et 19 % pour une sortie plus rapide….