Sa réserve parlementaire au service de sa propre société
François Sauvadet pouvait-il être «impartial», «objectif», en étant à cheval sur ces deux fonctions? Le nouveau ministre n'a pas souhaité dire non plus si, lorsqu'il était député, il avait fait part au bureau de l'Assemblée nationale de ces différentes activités comme il était tenu de le faire. Il estime simplement qu'en démissionnant aujourd'hui, il respecte l'article 23 de la constitution, qui ne s'applique pas aux parlementaires, et selon lequel «les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l'exercice de tout mandat parlementaire, de toute fonction de représentation professionnelle à caractère national et de tout emploi public ou de toute activité professionnelle». Selon le ministre, «il s'agit donc ici d'appliquer une règle de portée générale et non une décision motivée par des considérations individuelles». Pas question de reconnaître qu'un intérêt personnel ou familial a pu avoir des conséquences sur ses décisions.
Mediapart a pourtant fait une autre découverte. Comme tous les députés, François Sauvadet disposait, jusqu'à son entrée au gouvernement, d'une «réserve parlementaire» annuelle (une somme d'argent à distribuer dans sa circonscription de manière totalement discrétionnaire, pour aider à la construction d'une salle de sport, à la réfection d'une église ou encore d'un toit d'école). En général, la somme débloquée par projet s'élève à quelques milliers d'euros voire quelques dizaines de milliers. Or sur sa réserve de 2009 (d'un montant total que François Sauvadet ne souhaite pas révéler),
le député a puisé 225.000 euros, via le ministère de l'agriculture, pour financer la société de courses de Vitteaux. L'année précédente, le ministre de la fonction publique affirme qu'il avait, au même titre, fléché 150.000 euros vers cette société. Soit 375.000 euros en deux ans.
François Sauvadet ne veut pas expliquer comment l'argent de sa réserve parlementaire a pu être versé alors qu'il semblerait, selon
des documents visés par le ministère de l'agriculture, que les sociétés de courses ne puissent pas être bénéficiaires d'une subvention au titre de l'accompagnement de la filière équine pour leurs activités liées aux courses.
Il estime juste qu'il s'agit d'un projet majeur pour l'avenir du tourisme en Côte-d'Or – l'hippodrome de Vitteaux, un moment menacé de fermeture, étant le seul du département. Et rappelle que ce n'est pas cette seule subvention qui a permis de créer une piste d'entraînement, une carrière pour concours hippique, et d'améliorer la sécurité du site: 280.000 euros
proviennent du Conseil général de Côte-d'Or (qu'il préside) ; 280.000 euros de la Région Bourgogne (dont il était conseiller régional d'opposition) ; 352.000 euros du fonds EPERON (Fonds d'encouragement aux projets équestres régionaux ou nationaux). Le tout pour le plus grand bonheur de la famille Sauvadet.